Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/405

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s’étendait jusqu’au bord d’un précipice qui était profond de plus de cinq cents pieds au dessous des fondations du couvent. Surpris et effrayé de se voir dans un endroit si périlleux, Arthur détourna les yeux du gouffre qui se trouvait sous lui, pour admirer le vaste paysage en partie éclairé d’une lueur sinistre par le soleil qui baissait vers l’occident. Les derniers rayons de l’astre laissaient voir dans une vive splendeur rougeâtre une variété infinie de montagnes et de vallons, de pays découverts et de champs cultivés, de villes, d’églises et de châteaux dont quelques uns s’élevaient du milieu des arbres, tandis que d’autres semblaient construits sur des rocs élevés ; d’autres encore se montraient au bord des rivières et des lacs où les attiraient naturellement la chaleur et la sécheresse du climat. Le reste du paysage présentait des objets semblables par un temps serein ; mais ils étaient alors plongés dans la confusion, ou tout-à-fait effacés par l’ombre épaisse des nuages qui s’approchaient, et qui, peu à peu, s’étendant sur la plus grande partie de l’horizon, menaçaient d’éclipser complètement le soleil, bien que ce roi du firmament luttât encore pour jeter son éclat, et, comme un héros mourant, parût entouré de plus de gloire au moment même de sa défaite. Des sons lugubres, comme des soupirs et des gémissements, formés par le vent dans les nombreuses cavernes d’une montagne de roc, ajoutaient à l’horreur de la scène, et semblaient présager la furie de quelque ouragan encore éloigné, quoique l’air en général fût d’un calme et d’une tranquillité extraordinaires. En contemplant ce sublime spectacle, Arthur rendit justice aux moines qui avaient choisi cette sauvage et pittoresque situation, d’où ils pouvaient observer la nature dans ses plus imposants et plus nobles effets, et comparer le néant de l’humanité à ses terribles convulsions.

Arthur était tellement occupé du spectacle qui s’étendait sous ses yeux, qu’il avait presque oublié, en regardant du balcon, l’affaire importante qui l’avait amené en ce lieu, quand il fut soudain rappelé à lui-même en se trouvant en présence de Marguerite d’Anjou, qui, ne le voyant pas dans la salle de réception, s’était avancée sur la terrasse pour lui parler plus tôt.

Le costume de la reine était noir, sans aucun ornement, excepté une couronne d’or d’un pouce de largeur, retenant ses longues tresses de cheveux noirs dont l’âge et le malheur avait en partie altéré la couleur. Au milieu du cercle était attachée une plume blanche, avec une rose rouge, la dernière de la saison, que le bon père qui