Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/399

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d’or, l’accompagna jusqu’à la porte d’un pas qu’un petit accès de goutte avait rendu incertain, inconvénient qui se passerait, assura-t-il à Arthur, lorsqu’il aurait pris pendant trois jours les eaux chaudes. Thibaut se tenait devant la porte, non avec les chevaux épuisés dont ils étaient descendus une heure auparavant, mais avec des palefrois frais venant des écuries du roi.

« Ils vous appartiennent du moment où vous avez mis le pied dans l’étrier, dit le sénéchal ; le bon roi René n’a jamais repris comme sa propriété un cheval qu’il avait prêté à un hôte ; et c’est peut-être pour cette raison que Son Altesse et nous autres de sa maison nous allons souvent à pied. »

Le sénéchal échangea alors des politesses avec son jeune visiteur, qui alla chercher le lieu de retraite momentané qu’avait choisi la reine Marguerite au célèbre monastère de Sainte-Victoire. Il demanda à son guide dans quelle direction il était situé, et Thibaut avec un air de triomphe lui montra une montagne haute de trois mille pieds et plus, qui s’élevait à cinq ou six milles de la ville, et que sa cime hardie et rocailleuse rendait l’objet le plus remarquable du paysage. Thibaut en parla avec une joie et une énergie inaccoutumées, de manière qu’Arthur fut conduit à penser que son fidèle écuyer n’avait pas manqué de profiter aussi lui-même de la généreuse hospitalité du bon roi René. Cependant Thibaut continuait à s’étendre sur la renommée de la montagne et du monastère. Ils tiraient leur nom, disait-il, d’une grande victoire qui avait été gagnée par un général romain nommé Caio Mario, contre deux innombrables armées de Sarrasins portant des noms ultramontains, probablement les Cimbres et les Teutons ; pour témoigner au ciel sa reconnaissance d’une telle victoire, Caio Mario fit vœu de bâtir un monastère sur la montagne pour le service de la Vierge Marie, en l’honneur de laquelle il avait été baptisé. Avec toute l’importance d’un connaisseur des localités, Thibaut se mit à prouver son assertion générale par des faits particuliers.

« Ici, dit-il, était le camp des Sarrasins, d’où, lorsque la bataille sembla décidée, leurs épouses et leurs femmes se précipitèrent avec d’affreux hurlements, les cheveux en désordre, et des gestes de furies, et parvinrent un moment à arrêter la fuite des hommes. » Il montra aussi une rivière, et prétendit que c’était pour en approcher, ce que leur interdisait la tactique supérieure des Romains, que les barbares, qu’il appelait Sarrasins, avaient hasardé l’action ; la rivière avait été rougie de leur sang. Bref il mentionna plusieurs