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CHAPITRE XXX.

LE MONASTÈRE.

Oui, c’est lui qui porte la couronne de laurier tressée par Apollon et les neuf Sœurs, couronne que le terrible foudre de Jupiter ne peut flétrir. Il a déposé le casque embarrassant d’acier, et jeté bien loin le diadème d’or, plus gênant encore ; au lieu qu’avec une couronne de feuilles autour de la tête, il règne roi des amans et des poètes.
Anonyme.

En approchant avec précaution de la cheminée, c’est-à-dire de la promenade favorite du roi qui est décrite par Shakspeare, comme portant

De roi napolitain le titre héréditaire,
Et de Sicile, et de Jérusalem,
Moins riche cependant qu’un fermier d’Angleterre,

Arthur put parfaitement apercevoir Sa Majesté en personne. Il vit un vieillard dont les cheveux et la barbe, pour l’ampleur et la blancheur, auraient presque rivalisé avec ceux de l’envoyé de Schwitz, mais avec de fraîches et gaies couleurs sur les joues, et des yeux d’une grande vivacité. Son costume était si somptueux qu’il était tout-à-fait inconvenant pour son âge ; et sa démarche, non seulement ferme, mais pleine d’activité et de vigueur, pendant qu’il traversait la promenade courte et bien ombragée qu’il avait adoptée plutôt pour l’agrément que pour la solitude, montrait que la force de la jeunesse animait encore des membres accablés d’années. Le vieux roi tenait d’une main ses tablettes et de l’autre un crayon, et paraissait complètement absorbé dans ses méditations, s’embarrassant peu d’être observé par plusieurs personnes de la voie publique qui passait au dessous de sa promenade élevée. Certaines de ces personnes, à en juger par leurs vêtements et leurs manières, avaient absolument l’air de troubadours ; car elles tenaient en main des rebecs, des rotes, de petites harpes portatives, et d’autres marques de leur profession. Elles paraissaient immobiles, comme occupées à observer, et à graver dans leur mémoire leurs remarques sur les méditations de leur prince. D’autres passants, qui allaient vaquer à des affaires plus sérieuses, regardaient le roi comme un individu qu’ils étaient accoutumés à voir journellement, mais ils ne passaient jamais sans se découvrir, sans