Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/376

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gloire et votre réputation. Est-ce pour augmenter ses vassaux et ses domaines que Votre Altesse veut faire la guerre aux montagnards ses voisins ? Sachez que, s’il plaît à Dieu, vous pouvez sans doute conquérir nos montagnes nues et arides ; mais, comme jadis nos ancêtres, nous chercherons un asile dans les solitudes les plus sauvages et les plus reculées, et quand nous aurons résisté jusqu’à la dernière extrémité, nous mourrons de faim dans les froids déserts des glaciers. Oui, hommes, femmes et enfants, nous sommes résolus à être anéantis tous ensemble, plutôt qu’un seul Suisse reconnaisse un maître étranger. »

Le discours du landamman produisit une impression manifeste sur l’assemblée. Le duc s’en aperçut, et son obstination héréditaire fut irritée par la disposition générale qu’il vit naître en faveur de l’envoyé. Ce sentiment défavorable étouffa l’émotion que lui avaient déjà causée les paroles du noble Biederman ; il répliqua en fronçant les sourcils et interrompant le vieillard au moment où il allait continuer : « Vous argumentez à faux, seigneur comte, seigneur landamman, ou tout autre nom qu’il vous plaira qu’on vous donne, si vous pensez que nous vous ferons la guerre dans l’espérance du butin ou par un désir de gloire. Nous savons aussi bien que vous pouvez nous le dire, qu’il n’y a ni profit ni honneur à vous conquérir ; mais les souverains à qui le ciel en a remis le pouvoir doivent donner la chasse à une bande de brigands, quand même il n’y a que déshonneur à se mesurer contre eux ; et nous poursuivons à mort une troupe de loups, bien que leur chair ne soit que charogne, et que leur peau ne vaille rien. »

Le landamman secoua sa tête grise, et répondit, sans témoigner la moindre émotion, même avec une espèce de sourire sur les lèvres…. « Je suis un plus fin chasseur que vous, monseigneur duc, et peut-être ai-je plus d’expérience. Le plus hardi, le plus audacieux chasseur ne poussera point le loup jusqu’à sa tannière. J’ai montré à Votre Altesse la faible chance de gain et le grand risque de perte, que même vous, puissant comme vous l’êtes, vous courriez en hasardant une guerre contre des hommes résolus et déterminés. Laissez-moi maintenant vous dire ce que nous sommes prêts à faire pour nous assurer une paix sincère et durable avec notre puissant voisin de Bourgogne. Votre Altesse est à même d’envahir la Lorraine, et il semble probable que, sous un prince si redoutable et si entreprenant, votre autorité peut s’étendre jusqu’aux rivages de la Méditerranée… Soyez notre noble allié et notre ami