Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/325

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Elle porta la main à son front, et sembla un moment accablée par de pénibles souvenirs.

Arthur se rapprocha de son père, et lui demanda d’un ton d’intérêt qu’il ne put réprimer : « Père, quelle est cette dame ? est-ce ma mère ? — Non, mon fils, répondit Philipson ; silence, au nom de tout ce qui vous est cher et sacré ! »

Cependant l’inconnue entendit et la question et la réponse, quoique faites à voix basse.

« Oui, dit-elle, oui, jeune homme… je suis… je devrais dire que je fus… votre mère… la mère, la protectrice de tout ce qui fut noble en Angleterre… je suis Marguerite d’Anjou. »

Arthur tomba à deux genoux devant l’intrépide veuve de Henri VI, qui soutint si long-temps et dans des circonstances si désespérées, par un courage inébranlable et par une profonde politique, la cause chancelante de son faible mari ; et qui, si elle abusa parfois de la victoire avec cruauté et par vengeance, avait en partie expié ses torts par la fermeté indomptable dont elle avait donné des preuves en supportant les plus rudes coups de l’adversité. Arthur avait été lui-même élevé dans un dévoûment absolu à la famille des Lancastre, alors détrônée, dont son père était un des soutiens les plus distingués ; et ses anciens faits d’armes qui, quoique malheureux, n’avaient été ni sans gloire ni sans éclat, avaient été accomplis en combattant pour leur cause avec un enthousiasme appartenant à son âge et à son éducation. Il jeta au même instant son bonnet sur le pavé, et s’agenouilla aux pieds de son infortunée souveraine.

Marguerite écarta le voile qui cachait ses traits nobles et majestueux ; et alors même… quoique des torrents de larmes eussent creusé ses joues… quoique les soucis, les désappointements, les chagrins domestiques et l’orgueil humilié eussent éteint le feu de ses yeux et diminué la dignité si douce de son front… alors même ils montraient des traces de cette beauté qui avait été jadis sans pareille en Europe. L’apathie qui, à la suite d’une infinité de malheurs et d’espérances déçues, s’était emparée de l’âme de la malheureuse reine, se dissipa un moment à la vue de l’enthousiasme du beau jeune homme. Elle lui abandonna une de ses mains qu’il couvrit de larmes et de baisers, tandis que de l’autre elle écartait avec une tendresse maternelle les longs cheveux bouclés d’Arthur, qu’elle s’efforçait de relever de l’humble posture qu’il avait prise. Cependant son père avait fermé la porte de la chapelle et s’y était adossé,