Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saint jetaient une pâle lumière sur son armure et son coursier : il était représente au moment où il transperçait avec sa lance le dragon terrassé, dont les ailes étendues et le cou contourné étaient en partie éclairés, par la lueur des lampes. Le reste de la chapelle recevait un faible éclat du soleil d’automne qui ne se frayait qu’à grand’peine un passage à travers les châssis de plomb d’une petite fenêtre en ogive, seule ouverture par laquelle l’air pût pénétrer ; les rayons tombaient, douteux et décolorés et conservant les différentes couleurs des verres qu’ils traversaient, sur les formes imposantes de cette femme, quoique abattue et inclinée par l’âge, sur la figure du père mélancolique et inquiet, sur celle du fils enfin qui, avec le vif intérêt propre à la jeunesse, soupçonnait et conjecturait les conséquences extraordinaires d’une si singulière entrevue.

Enfin la femme s’approcha du même côté de l’autel qu’Arthur et son père, comme pour être comprise plus facilement sans être obligée d’élever davantage la voix lente et solennelle qu’elle avait déjà fait entendre.

« Adorez-vous ici, dit-elle, le saint George de Bourgogne, ou le saint George de la joyeuse Angleterre, la fleur de la chevalerie ? — Je révère, » répondit Philipson en croisant avec humilité les bras sur la poitrine, « le saint auquel cette chapelle est dédiée, et le Dieu près de qui j’espère sa sainte intercession, soit ici soit dans mon pays natal. — Ainsi… vous, répliqua la femme, vous-même, vous avez pu oublier… vous, vous-même qui étiez au nombre de ceux qu’on regardait comme le miroir de la chevalerie… vous avez pu oublier que vous avez prié Dieu dans la royale église de Windsor… que vous y avez plié un genou orné de la Jarretière, alors que des princes et des rois s’agenouillaient autour de vous… vous avez pu l’oublier ! et vous faites vos prières devant un autel étranger, sans que votre cœur soit aucunement troublé par la pensée de ce que vous fûtes !… vous demandez, comme quelque pauvre paysan, le pain et la vie pour le jour qui s’écoule. — Madame, répliqua Philipson, aux jours de ma plus grande prospérité, je n’étais devant l’Être auquel mes prières s’adressaient que comme un ver dans la poussière… À ses yeux, je ne suis maintenant ni plus ni moins, si dégradé que je puisse être dans l’opinion des reptiles, mes semblables. — Comment peux-tu penser ainsi ? répliqua la dévote ; et pourtant il est heureux pour toi que tu le puisses ; mais quels ont été tes malheurs en comparaison des miens ?