Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/310

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annonçaient également la promptitude et l’agitation ; la porte s’ouvrit, et Ital Schreckenwald entra.

Ce personnage, avec qui le lecteur par suite des détails donnés au vieux Phiiipson par le landamman Biederman doit avoir fait une espèce de connaissance, était un homme grand, bien fait, d’un air martial. Son costume était, comme celui des personnes d’un rang élevé à cette époque en Allemagne, plus varié en couleurs, plus tailladé, plus façonné, plus orné que les habits portés en France et en Angleterre. L’indispensable plume de faucon parait son chapeau, attachée par un médaillon d’or qui servait d’agrafe. Son pourpoint était de buffle pour servir de défense, mais garni, suivant l’expression usitée alors dans l’état de tailleur, de riches festons sur toutes les coutures ; et sur sa poitrine brillait une chaîne d’or, insigne de son rang dans la maison du comte. Il entra d’un pas précipité, l’air préoccupé et offensé, et dit un peu rudement : « Eh bien ! qu’est-ce à dire, jeune dame…. Pourquoi cela ? des étrangers dans le château à cette heure de la nuit ! »

Anne de Geierstein, quoiqu’elle eût été long-temps absente de son pays natal, n’en ignorait pas les habitudes et les usages : elle savait la manière hautaine dont tous ceux qui étaient nobles exerçaient leur autorité sur leurs dépendants. — Êtes-vous vassal d’Arnheim, Ital Schreckenwald, et parlez-vous à la dame d’Arnheim, dans son propre château, la voix haute, l’air insolent, le chapeau sur la tête même dans un appartement ? Connaissez mieux votre place, et quand vous aurez demandé pardon de votre insolence, et énoncé votre mission en termes qui conviennent à votre condition et à la mienne, je pourrai écouter ce que vous avez à dire. »

La main de Schreckenwald, en dépit de lui-même, se porta à son bonnet, et il découvrit son front hautain.

« Noble dame, » dit-il d’un ton un peu plus doux, « excusez-moi si ma précipitation est impolie, mais le péril nous presse. Les soldats du rhingrave se sont mutinés, ils ont déchiré les bannières de leur maître, et levé un étendard indépendant qu’ils appellent le drapeau de Saint-Nicolas, sous lequel ils déclarent devoir se maintenir en paix avec Dieu et en guerre avec tout le monde. Ce château ne peut leur échapper ; car ils réfléchiront que la première chose à faire est de s’emparer d’une place forte. Il faut donc nous mettre en mesure et partir aux premiers rayons du jour : pour le moment ils sont occupés avec les outres des paysans ; mais quand ils