Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les cérémonies des hautes classes, de la société avaient autant d’influence sur son esprit né libre que les rites des druides sur celui du général romain lorsqu’il disait :

Je les méprise, mais ils me glacent de peur.

« Qui peut donc les avoir changés ? disait Annette ; à Geierstein ils ressemblaient aux autres jeunes filles, aux autres jeunes gens, si ce n’est qu’Anne est si jolie ; mais à présent ils marchent en mesure et en cadence comme s’ils allaient commencer une grave parade, et se témoignent l’un envers l’autre autant de respect que s’ils étaient, lui, le landamman d’Unterwalden, et elle, la première dame de Berne. Tout cela est fort beau sans doute, mais ce n’est pas ainsi que Louis Sprenger fait l’amour. »

Apparemment les circonstances dans lesquelles ces deux jeunes gens étaient placés leur rappelaient les habitudes d’une politesse élevée et un peu cérémonieuse, qui leur avait été jadis familière ; et tandis que la baronne jugeait nécessaire d’observer le plus strict décorum afin d’excuser la réception d’Arthur dans l’intérieur de sa retraite, lui, d’un autre côté, cherchait à montrer, par ses manières respectueuses, qu’il était incapable d’abuser de la bienveillance avec laquelle on l’avait traité. Pour se mettre à table, ils observèrent scrupuleusement la distance qui convenait à une demoiselle et à un jeune homme vertueux. William fit le service pendant le repas avec grâce et habileté, en domestique accoutumé à remplir ces fonctions ; et Annette se plaçant entre eux, cherchant à imiter autant que possible le cérémonial qu’elle les voyait observer, déploya toute la civilité que l’on devait attendre de la soubrette d’une baronne. Elle commit cependant diverses méprises : sa conduite en général fut celle d’un chien de chasse qu’on mène en laisse, prêt à s’élancer à tout moment ; et elle n’était retenue que par le souvenir qu’elle devait demander ce qu’elle aurait beaucoup mieux aimé prendre elle-même.

D’autres points d’étiquette furent transgressés à leur tour après que le repas fut fini et que le domestique se fut retiré. La jeune soubrette se mêlait souvent avec trop peu de gêne à la conversation, ne pouvait s’empêcher d’appeler sa maîtresse par son nom de baptême d’Anne, et, en dépit de tout décorum, s’adressait à elle aussi bien qu’à Philipson avec le pronom tu qui, alors comme aujourd’hui, était un terrible solécisme dans la politesse germanique. Ses bévues servirent du moins à quelque chose ; en fournissant à la