Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/297

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reusement je lui ai laissé savoir que vous étiez ici. — Hélas, imprudente que tu es ! et pourtant, pourquoi le blâmerais-je, répliqua Anne de Geierstein, lorsque l’imprudence n’a pas été moins grande de mon côté ? C’est moi-même qui, permettant à mon imagination de s’arrêter trop long-temps sur ce jeune homme et ses qualités, me suis jetée dans cet embarras. Mais je vais te montrer que je puis vaincre cette folie, et je ne chercherai pas dans ma propre erreur un motif pour manquer aux devoirs de l’hospitalité. Va, Annette, fais préparer des rafraîchissements ; tu souperas avec nous, et tu ne nous quitteras pas : tu me verras tenir une conduite également convenable pour une dame allemande et pour une fille suisse. Donne-moi d’abord une lumière, ma fille, car il faut que j’essuie ces vilains traîtres, mes yeux, et que je répare ma toilette. »

Toute cette explication avait été pour Annette une suite de surprises, car dans les simples idées sur l’amour où elle avait dû être élevée dans les montagnes de la Suisse, elle avait cru que les deux amants saisiraient la première occasion de l’absence de leurs gardiens naturels, et s’uniraient pour la vie ; elle avait même arrangé un petit complot secondaire, par suite duquel Louis Sprenger, son fidèle amant, ainsi qu’elle-même, resteraient avec le jeune couple en qualité d’amis et de serviteurs. Ainsi donc, réduite au silence, mais non satisfaite par les objections de sa jeune maîtresse, la zélée Annette se retira en murmurant à part soi : « Le petit mot sur sa toilette est la seule chose naturelle et sensée que je lui aie entendu dire. Avec l’aide de Dieu, je vais revenir en un clin d’œil et l’aider à se parer. Cette partie de mes fonctions de femme de chambre, qui consiste à habiller ma maîtresse, est celle qui me semble la plus attrayante… il est si naturel à une jolie fille d’en parer une autre… en vérité, nous apprenons ainsi à nous faire belles nous-mêmes dans l’occasion. »

Et sur cette sage remarque, Annette Veilchen descendit lestement l’escalier.