Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/296

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autrement je ne vous conseillerais pas de former cette union. — Je n’en doute pas ma fidèle Annette ; mais, hélas ! comment peux-tu, dans l’état de liberté naturelle où tu fus élevée, connaître, imaginer même les différentes contraintes que cette chaîne dorée ou d’or du rang et de la noblesse impose aux personnes qu’elle gêne et embarrasse, je le crains, autant qu’elle les décore ? Dans toutes les contrées, la distinction des rangs oblige les hommes à certains devoirs. Elle peut par certaines restrictions les empêcher de former des alliances en pays étranger… Elle peut souvent leur défendre de consulter leurs inclinations quand ils se marient dans leur propre pays ; elle conduit à des unions où le cœur n’est jamais consulté, à des traités de mariage qui sont conclus souvent lorsque les parties sont encore au berceau ou à la lisière, mais qui n’en sont pas moins obligatoires sur la foi et l’honneur : il peut en exister de tels dans le cas présent. Ces alliances sont souvent rattachées à des vues politiques ; et si l’intérêt de l’Angleterre, ou ce qu’il regarde comme tel, a porté le vieux Philipson à former un tel engagement, Arthur briserait son propre cœur, et le cœur de toute autre personne, plutôt que de mettre son père dans le cas de manquer à sa parole. — Honte alors, honte à ceux qui contractent de pareils engagements ! répliqua Annette. Pourtant on parle de l’Angleterre comme d’un pays libre ; mais si on peut y dépouiller les jeunes gens et les jeunes filles du privilège naturel de disposer à leur gré de leur main et de leur cœur, j’aimerais autant être serve allemande. Bien, madame ! vous êtes savante, vous, et je suis ignorante, moi. Mais que faut-il faire ? J’ai amené ce jeune homme ici, m’attendant, Dieu le sait, à une issue plus heureuse de votre entrevue. Mais il est évident que vous ne pouvez l’épouser sans qu’il vous demande. Maintenant, quoique j’avoue que, si je le croyais capable de renoncer à la main de la plus belle fille des cantons, faute d’un mâle courage pour la solliciter, ou par égard pour un ridicule engagement formé entre un père et quelque autre noble de leurs îles de nobles, je ne me gênerais guère, en l’un ou l’autre de ces cas, pour l’envoyer faire un plongeon dans un fossé ; néanmoins il s’agit actuellement de savoir si nous le laisserons aller se faire assommer dans ces coupe-gorges du Rhinthal ; et à moins de ce dernier parti, j’ignore comment nous pourrons nous en débarrasser. — Laisse alors au jeune William le soin de le servir ici, et veille à ce que rien ne lui manque. Mieux vaut que nous ne nous voyions pas. — Soit, dit Annette ; mais encore, que dirai-je pour vous ? malheu-