Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/282

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corde, dit le juge-président, tu viens d’entendre la sentence d’acquittement. Mais si tu désires t’endormir dans une tombe non sanglante, permets-moi de t’apprendre que les secrets de cette nuit doivent demeurer en toi, comme des secrets qui ne peuvent être communiqués ni au père ni à la mère, à l’épouse ni au fils ni à la fille ; qu’ils ne peuvent être révélés ni à voix haute ni à voix basse ; qu’ils ne peuvent être ni énoncés en paroles ni écrits en caractères, ni gravés ni peints ; qu’ils ne peuvent être divulgués par aucun autre moyen, soit directement soit par parabole ou emblème. Obéis à cet ordre, et ta vie est en sûreté : que ton cœur se réjouisse donc en dedans de toi, mais qu’il se réjouisse en tremblant ; que ta vanité ne te persuade plus à l’avenir que tu es à l’abri des serviteurs et des juges de la sainte vèhme. Quand mille lieues seraient entre toi et la Terre-Rouge, quand tu parlerais dans un pays où notre puissance est inconnue, quand tu serais réfugié dans ton île natale et défendu par ton cher Océan, alors même, alors, je t’engage à te signer lorsqu’il t’arrivera de penser au saint et invisible tribunal, et à renfermer tes pensées dans ton propre sein : car le vengeur peut être à côté de toi, et tu peux mourir par ta folie. Éloigne-toi, sois sage, et que la crainte de la sainte vèhme ne sorte jamais de devant tes yeux. »

À ces mots de conclusion, toutes les lumières s’éteignirent soudain avec un long sifflement. Philipson sentit de nouveau les mains des officiers le saisir, mais il se laissa faire, pensant que c’était le parti le plus sûr. Il fut doucement couché sur sa paillasse et reconduit à l’endroit où l’on était allé le prendre pour l’amener au pied de l’autel. Les cordages furent de nouveau adaptés à la plate-forme, et Philipson s’aperçut que sa couche s’enleva avec lui pendant quelques instants, jusqu’à ce qu’un léger choc lui apprit qu’il était revenu de niveau avec le plancher de la chambre dans laquelle on l’avait logé le dernier soir, ou plutôt le matin précédent. Il réfléchit aux événements qui venaient de se passer, et il reconnut qu’il devait de grandes actions de grâces au ciel pour su miraculeuse délivrance. La fatigue l’emporta enfin sur l’inquiétude, et il tomba dans un calme et profond sommeil où nous le laisserons quant à présent, pour revenir aux aventures de son fils.