Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/274

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beaucoup plus de poids était attaché à leurs opinions et à leurs témoignages. Ils s’appelaient francs chevaliers, comtes, du titre enfin qu’ils portaient ; tandis que les juges de classe inférieure se nommaient simplement dignes et francs bourgeois ; car il faut observer que l’institution véhmique[1] était le nom qu’on lui donnait ordinairement, quoique sa puissance consistât en un large système d’espionnage ; et l’application tyrannique de la force qui agissait en conséquence était néanmoins regardée, tant on ignorait alors les véritables moyens de faire respecter les lois ! comme conférant un privilège au pays dans lequel elle était reçue, et les hommes libres seulement pouvaient en sentir l’influence. Les serfs et les paysans ne pouvaient pas non plus avoir place parmi les francs-juges, leurs assesseurs ou leurs assistants ; car il y avait dans cette assemblée même un principe de justice qui ordonnait de faire juger un coupable par ses pairs.

Outre les dignitaires qui occupaient les bancs, d’autres personnes se tenaient à l’entour, et semblaient garder les différentes issues de la salle du jugement, ou bien, debout derrière les sièges où leurs supérieurs étaient rangés, paraissaient prêtes à exécuter leurs ordres. Ces individus étaient membres de l’association, quoique d’un rang très inférieur. Schœppen est le nom qu’ils portaient généralement, et ce nom signifiait officiers ou sergents de la cour véhmique, dont ils étaient engagés par serment à exécuter les sentences, malgré la bonne ou mauvaise réputation des condamnés, et contre leurs plus proches parents, leurs plus chers amis, aussi bien que dans les cas de malfaiteurs ordinaires.

Les schœppen ou scabini, comme on les appelait en latin, avaient un autre terrible devoir à remplir ; savoir : celui de dénoncer au tribunal tous les actes venant à leur connaissance, et soumis à sa juridiction, ou, dans leur langage, tous les crimes contre la vèhme. Ce devoir s’étendait aux juges aussi bien qu’aux assistants, et ils s’en acquittaient sans égard aux personnes, de sorte que connaître et cacher volontairement le crime d’une mère ou d’un frère faisait encourir à l’officier infidèle la même peine que s’il avait lui-même commis le forfait dont il avait par son silence empêché la punition. Une telle institution ne pouvait se maintenir qu’à une époque où les moyens ordinaires de la justice étaient remplacés par

  1. Le mot véhmique est d’une origine incertaine ; mais il a toujours été employé à désigner cette cour secrète et inquisitoriale : les membres se nommaient wissenden ou initiés, mot répondant à l’expression moderne illuminés. (Note anglaise.) a. m.