Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/268

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il lui avait refusé sa confiance, disposé néanmoins à encourir une petite dépense en pays étranger, dans l’espoir de faire une utile connaissance, acquitta la part du frère aussi bien que la sienne. Le pauvre moine lui exprima ses remercîments par de nombreuses bénédictions en bon allemand et en mauvais latin ; mais l’hôte y coupa court, car s’approchant de Philipson avec une chandelle à la main, il lui offrit ses services pour aller lui montrer où il coucherait, et même poussa la complaisance jusqu’à porter sa malle ou valise de ses propres mains d’aubergiste.

« Vous prenez trop de peine, mon hôte, » dit le marchand un peu surpris du changement des manières de John Mengs, qui jusqu’alors l’avait contredit à chaque mot.

« Je ne puis me donner trop de mal pour un hôte, répliqua l’hôtelier, que mon vénérable ami, le prêtre de Saint-Paul, a particulièrement recommandé à mes soins. »

Il ouvrit alors la porte d’une petite chambre à coucher, prête à recevoir un voyageur, et dit à Philipson : « Vous pouvez dormir ici jusqu’à demain, jusqu’à l’heure que vous voudrez, autant même de jours qu’il vous plaira. La clef garantira vos marchandises de tout vol, de tout pillage. Je n’agis pas ainsi à l’égard de tout le monde ; car si chacun de mes hôtes avait un lit pour lui seul, la première chose qu’ils me demanderaient serait une table séparée ; et alors il faudrait dire adieu aux bonnes vieilles coutumes germaniques, et nous serions aussi ridicules, aussi frivoles que nos voisins. »

Il posa le porte-manteau sur le plancher, et sembla se préparer à quitter l’appartement, lorsque soudain, se retournant, il commença une espèce d’apologie pour la rudesse de sa première conduite. « J’espère qu’il n’y a point de mésintelligence entre nous, mon digne hôte, dit-il ; vous pourriez aussi bien voir un de nos ours se dresser sur ses pattes et faire des tours comme un singe, qu’un de nos vieux et grossiers Allemands se conduire avec autant de gentillesse qu’un hôtelier anglais ou italien, néanmoins je vous prie de remarquer que, si notre manière d’agir est rude, nos comptes sont honnêtes et nos denrées dans leur état de nature. Nous ne cherchons pas à faire passer le vin de Moselle pour le vin du Rhin, à force de grimaces et de courbettes, et nous n’assaisonnons pas nos mets de poisons comme le lâche italien, qui cependant vous appelle illustrissimo et magnifico. »

Après avoir ainsi parlé, il parut avoir épuisé sa rhétorique, car, quand il eut fini, il se détourna brusquement et quitta la chambre.