Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/254

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semblait, tant il était scrupuleusement livré à cette tâche, au moyen d’une lumière douteuse renfermée dans une lanterne de corne. Il ne détourna même pas la tête au bruit que l’Anglais fit en entrant dans l’écurie avec ses deux chevaux ; mais il ne semblait pas disposé à se donner la moindre peine, ni à aider le moins du monde l’étranger.

Sous le rapport de la propreté, l’étable d’Augias ne ressemblait pas mal à celle du village alsacien, et c’eût été un exploit digne d’Hercule que de la nettoyer de manière qu’elle fût seulement décente pour les yeux et supportable pour le nez du délicat Anglais. Mais c’était une chose qui dégoûtait Philipson lui-même beaucoup plus que ses deux camarades, qui se trouvaient pourtant les plus intéressés. Ceux-ci, à savoir les deux chevaux, paraissant comprendre parfaitement que la règle du lieu était : « premier venu, premier servi, » se hâtèrent de prendre possession des stalles vides qui se trouvaient les plus proches d’eux. Mais en ceci l’un des deux, au moins, fut désappointé, car il y fut accueilli par un palefrenier qui le régala d’un bon coup de houssine sur la tête.

« Attrape cela, dit le manant, au lieu de venir prendre la place retenue pour les chevaux du baron de Randelsheim.

Jamais, dans le cours de sa vie, le négociant anglais n’eut plus de peine à se contenir qu’en ce moment. Il réfléchit néanmoins à l’inutilité d’une querelle avec un pareil homme pour un tel motif, et se contenta de placer l’animal ainsi repoussé de la stalle qu’il avait choisie, dans une autre, voisine de celle de son camarade, et que personne ne semblait réclamer.

Le marchand s’occupa alors, malgré la fatigue de la journée, à prodiguer à ses muets compagnons de voyage les soins qu’ils méritent de la part de tout voyageur qui a le moindre degré de prudence, pour ne pas dire d’humanité. La peine vraiment extraordinaire que se donnait Philipson pour panser les chevaux, quoique son costume et plus encore ses manières parussent le mettre au dessus de cette espèce de travail manuel, firent impression sur le vieux valet lui-même, bien qu’aussi insensible que le fer. Il déploya quelque activité à fournir au voyageur qui connaissait si bien les devoirs d’un palefrenier, l’avoine, la paille et le foin, quoique en petite quantité, et à des prix exorbitants, qui furent aussitôt payés ; il vint même jusqu’à la porte de l’écurie pour montrer du doigt à Philipson la fontaine située au bout de la cour, où il fut obligé d’aller lui-même puiser de l’eau. Le service de l’écurie une fois ter-