Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/212

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d’armes prêt à combattre en bataille rangée, s’avança sur un palefroi allant à l’amble.

« Quelle hardiesse est la vôtre, messieurs, de vous tenir en armes devant la forteresse de La Ferette qui appartient par droit de suzeraineté au trois fois noble duc de Bourgogne et de Lorraine, et commandée en son nom, pour son compte, par l’honorable sir Archibald, seigneur d’Hagenbach, chevalier du très saint Empire romain ? — S’il vous plaît, seigneur écuyer, répondit le landamman, car je conjecture que tel est votre grade d’après la plume que vous portez à votre bonnet, nous ne sommes pas ici avec des intentions hostiles, quoique armés, comme vous voyez, pour nous défendre dans un périlleux voyage où nous ne sommes pas toujours en sûreté le jour, où nous ne pouvons pas toujours reposer sans crainte la nuit ; mais nos armes ne sont nullement offensives : s’il en était autrement, nous ne serions pas en si petit nombre que vous nous voyez. — Quel est donc votre caractère et votre dessein ? » répliqua Kilian, qui avait appris à employer, en l’absence de son maître, le ton impérieux et insolent du gouverneur lui-même.

« Nous sommes délégués, » répondit le landamman d’un ton de voix calme et tranquille, sans paraître s’offenser ni même s’apercevoir des manières grossières de l’écuyer, « par les cantons libres et confédérés des états et provinces suisses, ainsi que de la bonne ville de Soleure, chargés par notre diète législative de nous rendre à la cour de Son Altesse le duc de Bourgogne, pour une mission de haute importance qui concerne les deux pays, et dans l’espérance d’établir avec le seigneur votre maître, je veux dire le noble duc de Bourgogne, une paix sûre et durable, à des conditions qui seront à l’honneur et à l’avantage mutuels des deux contrées, et qui empêcheront les querelles et l’effusion du sang chrétien, qu’autrement on pourrait répandre faute de s’être bien entendu et à temps. — Montrez-moi vos lettres de créance, dit l’écuyer. — Avec votre permission, seigneur écuyer, répliqua le landamman, il sera assez temps de les exhiber lorsque nous serons admis en présence de votre maître le gouverneur. — Autant vaudrait dire : « Nous ne voulons pas ! » c’est bien, mes maîtres, et pourtant je vous engage à prendre pour vous ce précepte de Kilian de Kersberg : « Mieux vaut souvent reculer qu’avancer… » Mon maître et le maître de mon maître sont des personnes plus susceptibles que les marchands de Bâle auxquels vous vendez vos fromages. Chez vous ! braves