Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/156

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peut-être par l’envie, qui semblaient établir une distinction mystique entre la belle Hermione et les simples mortels avec qui elle daignait vivre et converser.

« Dans la danse joyeuse, elle était sans rivale pour la souplesse et la légèreté, tellement que ses pas semblaient ceux d’un être aérien. Elle pouvait, sans le moindre effort, prolonger le plaisir de cet exercice au point de fatiguer les plus vigoureux danseurs ; et le jeune duc de Hochspringen lui-même, qui était renommé comme un des amateurs les plus infatigables de l’Allemagne, après lui avoir servi de cavalier pendant une demi-heure, fut forcé d’abandonner la contredanse, et se jeta épuisé de fatigue sur un sopha, en s’écriant qu’il avait dansé, non avec une femme, mais avec un ignis fatuus, autrement dit un feu follet.

« On prétendait encore tout bas que, lorsqu’elle jouait avec ses jeunes compagnes dans le labyrinthe et dans les allées des jardins du château, soit à cache-cache, soit à des jeux qui ne demandaient pas moins d’activité, elle se trouvait alors aussi douée de cette légèreté surnaturelle qu’on supposait se développer en elle quand elle dansait. Elle apparaissait au milieu de ses compagnes, puis disparaissait aussitôt avec une inconcevable rapidité : haies, treillages, obstacles de tout genre, elle franchissait tout d’une manière que l’œil le plus vigilant ne pouvait découvrir ; car, après l’avoir vue un instant de l’autre côté de la barrière, le spectateur la voyait l’instant d’ensuite auprès de lui.

« Dans ces moments où ses yeux étincelaient, où l’on voyait ses joues rougir et toute sa personne s’animer, on prétendait que l’agrafe d’opale qui brillait dans ses cheveux, ornement qu’elle ne quittait jamais, lançait alors avec une vivacité bien plus grande la petite étincelle ou langue de feu. De même, lorsqu’Hermione se trouvait dans la salle à la chute du jour, et que sa conversation s’animait plus que de coutume, on croyait que le joyau devenait brillant, et même répandait une lueur vive et scintillante, qui semblait jaillir de la pierre elle-même, et n’être pas produite comme de coutume par la réflexion d’une autre lumière. On entendait aussi ses femmes dire que, quand leur maîtresse était agitée d’un court et léger accès d’impatience, la seule faiblesse de caractère qu’on lui connût, elles pouvaient remarquer des étincelles d’un rouge ardent saillir du diamant mystique, comme s’il sympathisait avec les émotions de celle qui le portait. Les filles qui l’aidaient à sa toilette rapportaient en outre que la jeune fille ne se séparait de