Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/150

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des Arméniens, et un haut bonnet carré, couvert de la laine des moutons astracans. Chaque partie de son costume était noire, ce qui faisait ressortir la longue barbe blanche qui lui descendait sur la poitrine. Sa robe était attachée par une ceinture de soie noire en filet, à laquelle était suspendue, au lieu de poignard ou d’épée, une boîte d’argent qui renfermait tous les objets nécessaires pour écrire, et un rouleau de parchemin. Le seul ornement de sa personne consistait en un gros rubis d’un éclat extraordinaire qui, chaque fois que l’inconnu approchait de la lumière, brillait encore bien plus merveilleusement, comme si cette pierre précieuse eût lancé les rayons qu’elle ne faisait que réfléchir. À l’offre de rafraîchissements, l’étranger répondit : « Je ne puis manger de pain, l’eau ne peut toucher mes lèvres, avant que le vengeur ait passé devant ton seuil. »

« Le baron fit arranger de nouveau les lampes et allumer d’autres torches, puis, envoyant tout son monde se coucher, il demeura seul dans le salon, assis près de l’étranger, son hôte. À l’heure sinistre de minuit, les portes du château s’ébranlèrent comme par un ouragan, et une voix semblable à celle d’un héraut réclama son légitime prisonnier Dannischemend, fils d’Hali. La sentinelle de garde entendit alors une fenêtre basse du salon s’ouvrir, et put distinguer la voix de son maître qui parlait à la personne dont les sommations venaient de retentir devant le château. Mais la nuit était si obscure qu’il lui fut impossible de voir les interlocuteurs ; et la langue dans laquelle ils parlaient étaient entièrement étrangère, ou mêlée de tant de mots inconnus, qu’elle ne put comprendre une syllabe de ce qu’ils disaient. Cinq minutes s’étaient à peine écoulées lorsque celui qui était en dehors éleva de nouveau la voix comme la première fois, et dit en allemand : « J’oublie donc mes droits pour un an et un jour ; mais les faisant valoir quand le temps sera écoulé, je viendrai réclamer une justice, et l’on ne me refusera point davantage. »

« À dater de ce moment, Dannischemend le Persan fut l’hôte constant du château d’Arnheim, et jamais en vérité, pour aucun motif, il ne traversa le pont-levis. Ses amusements ou ses études semblaient concentrés dans la bibliothèque du château et dans le laboratoire où le baron travaillait souvent avec lui plusieurs heures de suite. Les habitants du vieux manoir ne trouvaient rien à blâmer dans le Mage ou Persan, sinon qu’il paraissait se dispenser des pratiques de religion, puisqu’il n’allait ni à la messe ni à confesse, et