Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/131

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n’est pas à une crainte simplement terrestre que mon esprit a cédé un instant. — Continuons notre promenade, dit Rudolphe, nous ne devons pas négliger la sûreté de nos amis. Cette apparition dont vous parlez peut n’être qu’une ruse inventée pour nous faire manquer h notre devoir. »

Ils continuèrent alors leur route à travers les taillis éclairés par la lune ; une minute de réflexion rendit au jeune Philipson toute sa mémoire, et avec sa mémoire, la conviction pénible qu’il avait joué un rôle ridicule et indigne de lui en présence de la dernière personne, parmi les hommes du moins, qu’il aurait voulu jamais choisir pour être témoin de sa faiblesse.

Il parcourut rapidement les rapports qui existaient entre lui-même, Donnerhugel, le landamman, sa nièce et le reste de cette famille ; et, contrairement à l’opinion qu’il avait d’abord conçue, il arrêta dans son esprit que son devoir lui ordonnait de déclarer au chef immédiat sous lequel il s’était placé l’apparition qu’il avait deux fois remarquée dans le cours de la nuit. Il peut y avoir des circonstances de famille… l’accomplissement d’un vœu peut-être, ou quelque raison semblable, qui expliquent à ses parents la conduite de cette jeune personne. D’ailleurs il était pour le moment soldat de service, et ces mystères pouvaient être liés à des malheurs qu’il fallait prévoir, contre lesquels il fallait se mettre en garde : en tous cas, ses compagnons avaient droit à savoir ce qu’il avait vu. On doit supposer que cette résolution fut adoptée lorsque le sentiment du devoir et la honte de la faiblesse qu’il avait montrée eurent un instant refroidi l’ardeur personnelle d’Arthur pour Anne de Geierstein, ardeur que pouvait aussi diminuer la mystérieuse incertitude que les événements de la nuit avaient répandue comme un épais brouillard autour de celle qui en était l’objet.

Tandis que les réflexions de l’Anglais prenaient ce tour, son capitaine, ou son camarade, après plusieurs minutes de silence, lui adressa enfin la parole.

« Je crois, dit-il, mon cher compagnon, que, comme je suis actuellement votre officier, j’ai quelque droit à entendre de vous le rapport de ce que vous venez de voir, puisqu’il n’y a qu’une chose importante qui ait pu agiter si violemment un esprit aussi solide que le vôtre. Mais si dans votre opinion la sûreté générale exige que vous différiez votre rapport jusqu’à notre retour au château, pour le faire alors en particulier au landamman lui-même, vous n’a-