Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/129

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tre chien. Et, avec votre permission, j’irai en avant, et j’examinerai le buisson. — Si vous étiez à proprement parler sous mes ordres, répliqua Donnerhugel, je vous ordonnerais de ne pas bouger. Si ce sont des ennemis, il est essentiel que nous restions ensemble. Mais vous êtes volontaire parmi nous, et en conséquence vous pouvez agir librement. — Je vous remercie, » répliqua Arthur, et il s’éloigna aussitôt.

Il sentit à la vérité dans le moment qu’il n’agissait pas d’une manière très polie comme individu, ni peut-être très louable comme soldat, et qu’il aurait dû obéir pour l’instant au capitaine de la troupe dans laquelle il s’était enrôlé. Mais, d’autre part, l’objet qu’il avait vu, quoique à distance et imparfaitement, semblait avoir une grande ressemblance avec cette image d’Anne de Geierstein, qui s’était évanouie devant ses yeux, une heure ou deux auparavant, sous ce couvert de la forêt, et la curiosité insurmontable qui le portait à s’assurer si ce n’était pas la jeune fille en personne ne lui permettait d’écouter aucune autre considération.

Avant que Rudolphe eût achevé sa courte réplique, Arthur était déjà à mi-chemin du buisson. Il était, à en juger de loin, de peu d’étendue et peu propre à cacher une personne, à moins qu’elle ne se couchât tout-à-fait dans le taillis et sous les broussailles. Quelque chose de blanc, qui portait la taille et la forme humaine, lui avait aussi apparu d’une manière distincte, suivant lui, parmi les troncs d’un rouge foncé et les broussailles brunes qui étaient devant lui. Si c’était Anne de Geierstein qu’il avait vue une seconde fois, il fallait qu’elle eût quitté le chemin le plus découvert, dans le désir sans doute de n’être pas remarquée ; et quel droit, quel titre avait-il de diriger sur elle l’attention de la patrouille ? Il croyait avoir remarqué qu’en général la jeune fille repoussait plutôt qu’elle n’encourageait les soins de Rudolphe Donnerhugel, ou que, s’il eût été impoli de les rejeter entièrement, elle les acceptait sans les encourager. N’était-il pas inconvenant de troubler sa promenade solitaire, bizarre à la vérité, vu les lieux et l’heure, mais que, sous ce rapport même, elle pouvait encore désirer davantage cacher à l’observation d’un individu qui lui était désagréable ? Même, n’était-il pas possible que Rudolphe tirât avantage pour son amour, qui autrement ne serait jamais agréé, de la connaissance d’un secret que la jeune fille aurait désiré tenir toujours caché ?

Tandis que ces réflexions se succédaient dans son esprit, Arthur fit une pause, les yeux fixés sur le buisson, dont il était alors à