Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/125

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dans le dessein d’épier le retour d’Anne de Geierstein après sa mystérieuse excursion. Il ne lui était pas facile néanmoins de trouver une excuse satisfaisante, et il ne se souciait pas de laisser concevoir au fier Donnerhugel le moindre soupçon qu’il fût inférieur en cuivrage ou en force pour supporter la fatigue à aucun des vigoureux montagnards dont il était devenu, pour le moment, compagnon. Il n’hésita donc pas même un instant ; mais tandis qu’il restituait la pertuisane qu’on lui avait prêtée au paresseux Sigismond, qui venait du château en bâillant et en se traînant comme un individu dont le sommeil a été interrompu très désagréablement dans le moment même où il était le plus profond et le plus doux, il fit savoir à Rudoiphe qu’il se proposait toujours de l’accompagner dans sa tournée de reconnaissance. Ils furent bientôt rejoints par le reste de la patrouille, où se trouvait Rudiger, fils aîné du landamman d’Unterwalden ; et lorsque, conduits par le champion bernois, ils eurent atteint la lisière du bois, Rudolphe commanda à trois d’entre eux de suivre Rudiger Riederman.

« Tu feras ta ronde du côté gauche, dit le Rémois ; moi, je prendrai sur la droite… Tâche de ne rien laisser échapper, et nous nous retrouverons gaîment au lieu convenu. Prends un des chiens avec toi. Je garde Wolf-Fanger qui dépistera un Bourguignon aussi aisément qu’un ours. »

Rudiger se dirigea vers la gauche avec sa troupe, suivant les instructions qu’il avait reçues ; et Rudolphe, envoyant un de ses hommes en avant, commandant à un autre de rester en arrière, ordonna au troisième de les suivre lui et Arthur Philipson, qui formèrent ainsi le corps principal de la patrouille. Priant l’homme qui les accompagnait de se tenir assez loin pour qu’ils pussent causer librement, Rudolphe s’adressa au jeune Anglais avec la familiarité que leur amitié récente avait établie entre eux… « Et maintenant, roi Arthur, que pense Sa Majesté d’Angleterre de notre jeunesse suisse ? Pourrait-elle gagner le prix dans les joutes ou les tournois : qu’en dites-vous, noble prince ? ou nous rangerait-on simplement parmi les lâches chevaliers de Cornouailles ? — Quant aux joutes et aux tournois, je ne puis répondre, » dit Arthur, cherchant à bannir toute distraction, « car je n’ai jamais vu personne de vous monter un coursier ni tenir une lance en arrêt. Mais si des membres vigoureux et des cœurs intrépides doivent entrer en considération, je pense que vos braves Suisses ne le céderaient aux soldats d’aucun pays du monde, où l’on estime la valeur, qu’elle réside