Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’il s’agissait d’expliquer une chose par l’intervention d’une puissance inconnue, et surtout qu’on pouvait en chercher l’explication dans des causes ordinaires : il chassa donc sans peine tout sentiment de crainte superstitieuse, qui se rattachât un instant à son aventure nocturne ; il résolut enfin d’écarter toute conjecture inquiétante à ce sujet, et d’attendre fermement, sinon patiemment, le retour de la belle vision, qui, s’il n’expliquait pas absolument le mystère, semblait du moins présenter la seule chance d’y jeter quelque lumière.

S’en tenant donc à ce dessein, il se mit à parcourir l’espace où il pouvait se promener comme sentinelle, les yeux fixés sur la partie de la forêt où il avait vu la forme chérie disparaître, et ne se rappelant plus pour un moment qu’il avait été mis en faction pour toute autre chose que pour observer son retour. Mais il fut tiré de cette distraction par un son lointain qui retentit dans le bois, assez semblable à un cliquetis d’armes. Rappelé tout-à-coup au sentiment de son devoir, d’où dépendaient la sûreté de son père et celle de ses compagnons de voyage, Arthur se posta sur le pont momentané où la résistance devait lui être plus facile, et il s’appliqua de l’œil et de l’oreille à épier le péril qui approchait. Le bruit des armes et des pas se fit de plus en plus entendre… Des lances et des casques sortirent du feuillage sombre de la forêt, et brillèrent au clair de lune. Mais les formes robustes de Rudolphe Donnerhugel, qui marchait en avant, furent aisément reconnues, et annoncèrent à notre sentinelle le retour de la patrouille. Lorsqu’elle approcha du pont, le mot d’ordre et l’échange de signes et de contresignes usités en pareilles occasions eurent lieu de la manière convenue, et tandis que les hommes de sa troupe défilaient l’un après l’autre dans le château, Rudolphe leur commanda d’éveiller leurs camarades pour qu’il recommençât une nouvelle patrouille avec eux, et en même temps d’envoyer une sentinelle relever Arthur Philipson, dont la faction sur le pont-levis était alors terminée. Ce dernier fait fut confirmé par le son retentissant, bien qu’éloigné, de la principale horloge de la ville de Bâle qui, se prolongeant à travers les plaines et les forêts, annonça qu’il était minuit.

« Et maintenant, camarade, » continua Rudolphe en s’adressant à l’Anglais, « l’air froid et une longue faction vous ont-ils déterminé à vous en aller prendre de la nourriture et du repos, ou avez-vous toujours l’intention de partager nos rondes ? "

Arthur aurait beaucoup mieux aimé rester à la place où il était,