Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/105

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était uni d’estime et d’intérêts ; mais il termina en annonçant que, par suite de certaines raisons déterminantes, qu’on leur expliquerait plus à loisir et de manière à les satisfaire, la ville libre de Bâle ne pouvait recevoir, ce soir, dans ses murs, les très respectables députés qui se rendaient, par ordre de la diète helvétique, à la cour du duc de Bourgogne.

Philipson remarqua avec intérêt l’effet que cette nouvelle très inattendue produisit sur les membres de l’ambassade. Rudolphe Donnerhugel, qui s’était rapproché d’eux, en arrivant dans les environs de Bâle, paraissait moins surpris que ses compagnons, et, tandis qu’il restait parfaitement tranquille, semblait plutôt jaloux de pénétrer leurs sentiments que disposé à leur faire connaître les siens. Ce n’était pas la première fois que le sagace marchand avait observé que ce jeune homme fier et fougueux pouvait mettre toujours, lorsqu’il le voulait, un frein à l’impétuosité naturelle de son caractère. Quant aux autres, on voyait le front du banneret se rembrunir ; la figure du bourgeois de Soleure devint blême comme la lune lorsqu’elle se lève au nord-ouest[1]. Le député Barbe-Grise de Schwitz regardait Arnold Biederman avec inquiétude, et le landamman lui-même paraissait plus ému que de coutume pour un homme qui gardait si bien son sang-froid. Enfin, il répliqua au fonctionnaire de Bâle d’une voix que son émotion rendait un peu tremblante.

« Voilà un singulier message qui arrive aux députés de la confédération suisse, chargés comme nous le sommes d’une mission tout amicale, de la part des citoyens de Bâle que nous avons toujours traités comme nos meilleurs amis, et qui se vantent encore de l’être. Le couvert de leurs toits, la protection de leurs murailles, les devoirs ordinaires de l’hospitalité, c’est ce que les habitants d’un État ami n’ont jamais le droit de refuser à ceux d’un autre. — Et ce n’est pas de leur propre volonté que les citoyens de Bâle le refusent, digne landamman, répondit le magistrat. Non seulement vous et vos respectables collègues, mais encore les gens de votre escorte, et jusqu’à vos bêtes de somme, seriez traités par nous avec toute la bonté dont nous sommes capables… Mais nous agissons d’après des ordres. — Et qui ose vous les donner ? » s’écria le banneret laissant éclater sa colère… « L’empereur Sigismond a-t-il profité si peu de l’exemple de ses prédécesseurs ?… — L’empereur, » répliqua le délégué de Bâle interrompant le banneret, « est un

  1. Rising in North-West, dit en effet le texte. a. m.