Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/100

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à autre, durant le cours du voyage, lui offrir ses secours et charmer par sa conversation l’ennui de la route. Mais il n’osait pas se permettre de témoigner des attentions que les usages du pays semblaient défendre, puisqu’elles n’étaient tentées par aucun des cousins de la jeune personne, ni même par Rudolphe Donnerhugel, qui certainement n’avait paru jusqu’alors négliger aucune occasion de se rendre agréable à la charmante cousine. D’ailleurs Arthur avait assez de bon sens pour être convaincu que, s’il cédait au penchant qui le portait à cultiver la connaissance de cette aimable jeune fille, il encourrait à coup sûr le sérieux déplaisir de son père, et probablement aussi de son oncle, dont ils avaient mis l’hospitalité à contribution, et dont la sauvegarde leur permettait encore de voyager sans crainte ni péril.

Le jeune Anglais se livrait donc aussi aux amusements qui intéressaient les autres jeunes gens de la troupe ; mais, aussi souvent que leurs haltes le permettaient, il en profitait pour témoigner à la jeune fille des marques de politesse qui ne pouvaient donner lieu ni aux remarques ni aux censures. Et sa réputation de chasseur se trouvant alors bien établie, il se permettait parfois, même quand le gibier était traqué, de rester en arrière dans le voisinage du sentier, au dessus duquel il pouvait au moins voir flotter le voile gris d’Anne de Geierstein, et distinguer les contours des formes qu’il couvrait. Cette indolence apparente, attribuée à une simple insouciance à poursuivre le gibier le moins noble ou le moins dangereux, n’était pas défavorablement interprétée par ses compagnons ; car lorsqu’on venait à lancer un ours, un loup, ou quelque autre animal de proie, l’épieu, le coutelas, la flèche de personne, pas même de Rudolphe Donnerhugel, n’étaient aussi prompts à frapper que les armes du jeune Anglais.

Cependant le vieux Philipson avait des sujets de considération autres et plus sérieux. C’était un homme qui, ainsi que le lecteur peut déjà l’avoir remarqué, connaissait beaucoup le monde, où il avait joué des rôles différents de celui sous lequel il se montrait alors. D’anciens souvenirs se réveillaient en lui et se pressaient dans sa mémoire, à la vue d’amusements familiers à sa jeunesse : les cris des chiens, répétés par les échos des montagnes sauvages et des noires forêts qu’ils traversaient ; l’aspect des jeunes et braves chasseurs, apparaissant selon la route que prenait le gibier qu’ils avaient lancé, sur des pics aériens, ou descendant au fond des précipices qui paraissaient inaccessibles aux pieds humains ; les