Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/79

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que nous suivrions ensemble la route la plus courte et la plus agréable.

Josué secoua la tête ; car il connaissait Benjie, « qui était, dit-il, le plus franc gamin de tout le voisinage. » Néanmoins, pour ne pas me quitter, il consentit à lui remettre pour ce peu de temps son bidet entre les mains, en lui défendant bien de chercher à monter dessus, mais plutôt de conduire Salomon par la bride, et en lui promettant pour récompense une pièce de six pence, en cas qu’il fût sage, et, s’il transgressait les ordres à lui donnés, qu’il serait fouetté d’importance.

Les promesses ne coûtaient rien à Benjie, et il en lâcha par volées ; bien que le quaker lui confia enfin la bride, en lui répétant ses injonctions, et en levant l’index pour leur donner encore plus de force. De mon côté, j’ordonnai à Benjie de laisser à Mont-Sharon le poisson qu’il avait pris, regardant en même temps mon nouvel ami avec un air qui voulait dire : « Excusez-moi ; » car je ne savais pas trop si cette honnêteté serait agréable à un homme si peu partisan de la pêche.

Il me comprit, et me rappela la distinction pratique entre l’action d’attraper les animaux comme objet d’un amusement cruel et futile, et celle de les manger comme une nourriture légitime et permise, après qu’ils étaient tués. Sur cette dernière question, il n’eut aucun scrupule ; et, au contraire, il m’assura que ce ruisseau contenait la vraie truite saumonée, tant estimée par tous les connaisseurs. Mangée une heure après avoir été prise, elle avait une fermeté de chair et une délicatesse de saveur particulières : c’était donc une addition agréable à un repas du matin, surtout lorsqu’on avait gagné de l’appétit comme nous, en se levant à la pointe du jour, et en prenant un exercice de deux ou trois heures.

Mais, dussiez-vous en être effrayé, Alan, nous ne fîmes pas frire notre poisson sans qu’il nous arrivât une nouvelle aventure. C’est donc seulement pour épargner votre patience et mes propres yeux, que je clos la présente, et renvoie le reste de mon histoire à la lettre prochaine.