Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/73

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emportera tous, et tant mieux pour vous si nous n’envoyons pas les propriétaires les joindre.

— Ami, répliqua Josué avec un sourire contraint, « si je ne savais pas que tu parles sans avoir l’intention d’agir, je te dirais que nous sommes protégés par les lois de ce pays ; et nous ne comptons pas moins en recevoir protection, bien que nos principes ne nous permettent pas de recourir à aucun acte de violence ouverte pour nous défendre.

— Fanfaronnade et lâcheté que tout cela, s’écria le pêcheur, espèce de manteau qui vous sert à cacher votre hypocrite avarice !

— Oh ! ne dis point lâcheté, mon ami, répliqua le quaker, puisque tu sais qu’il peut y avoir autant de courage à souffrir qu’à repousser une injure ; et j’en appellerai à ce jeune homme ou à toute autre personne, n’y a-t-il pas plus de lâcheté, — même dans l’opinion de ce monde, dont les pensées sont le souffle que tu respires, — dans l’oppresseur armé qui cause le mal, que dans le patient faible et sans défense, qui l’endure avec intrépidité.

— Je ne causerai pas plus long-temps avec vous sur ce sujet, » dit le pêcheur qui, comme un peu ébranlé par le dernier argument auquel avait eu recours M. Geddes, se mettait en devoir de lui faire place ; — « n’oubliez pas pourtant, ajouta-t-il, que vous avez été prévenu, et n’espérez pas que nous recevions de belles paroles en excuse d’actions coupables. Vos filets sont illégaux, — ils dévastent nos pêcheries, — et nous les détruirons à tout risque et péril. Je suis homme de parole, ami Josué.

— Je le sais, répliqua le quaker ; mais à cause de cela il faut prendre garde d’affirmer une chose que tu n’exécuteras jamais. Car, je le sais, ami, quoiqu’il y ait une aussi grande différence entre toi et un des nôtres, qu’entre un lion et une brebis, tu tiens trop du lion pour vouloir exercer ta force et ta fureur sur un être qui se déclare incapable de résister. C’est au moins une vertu que te donne la renommée, à défaut d’autres.

— Nous verrons avec le temps, répondit le pêcheur ; mais écoute, Josué, avant de nous quitter, je vais te mettre à même de faire une bonne action ; ce qui, crois-moi, vaut mieux que vingt discours de morale. Voici un jeune étranger que le ciel a gratifié d’une cervelle si légère, qu’il se perdra encore dans les sables, comme il l’a fait hier au soir, à moins que tu n’aies la bonté de lui montrer le chemin de Sbepherd’s Bush ; car c’est