Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/61

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se coucher sans souper, parce qu’il ressemblait à Solon ou à Bélisaire. Mais vous oubliez que l’affront descendit comme une bénédiction dans la poche du vieux porte-besace, qui se répandit en remercîments pour le généreux bienfaiteur. Il se passerait du temps, Darsie, avant qu’il vous remerciât de votre stérile vénération pour sa barbe et son extérieur. Puis, vous riez aux dépens de mon père, à propos de sa retraite à Falkirk, tout comme s’il n’était pas raisonnable de fuir, lorsque trois ou quatre coquins de montagnards, avec des claymores nues et des talons aussi légers que leurs doigts, galopent ;) près vous en criant furinish. Vous vous rappelez ce qu’il dit lui-même quand le laird de Bucklirat lui expliqua que furinish signifiait « attends un peu ». « De par le diable ! » dit-il, forcé de manquer à son purisme presbytérien au souvenir d’une demande si déraisonnable, « les bandits auraient-ils voulu que je m’arrêtasse pour me laisser couper le cou ? »

Imaginez une pareille bande à vos trousses, Darsie, et demandez-vous si vous ne joueriez pas des jambes comme pour fuir la marée de la Solway. Et pourtant vous accusez le courage de mon père. Je vous dis qu’il est assez courageux pour faire ce qui est bien et mépriser ce qui est mal ; — pour défendre une juste cause en payant de sa personne et de sa bourse, et prendre le parti du pauvre contre l’oppresseur, sans en craindre les conséquences pour lui-même. C’est le courage civil, Darsie ; et il importe peu à la plupart des gens, dans notre siècle et dans notre pays, de posséder ou non le courage militaire.

Ne pensez pas que je vous en veuille, quoique je cherche ainsi à rectifier vos opinions au sujet de mon père ; et je suis bien convaincu, après tout, que c’est à peine si je lui porte, moi, plus de respect que vous. Pendant que je suis d’humeur sérieuse, ce qui ne peut durer long-temps avec quelqu’un qui me fait toujours rire à ses dépens, je vous prierai, mon très-cher Darsie, de ne plus permettre que votre ardeur pour les aventures vous entraîne dans des périls semblables à celui des sables de la Solway. Le reste de l’histoire est pure imagination ; mais cette soirée orageuse aurait pu devenir, comme dit le Clown au roi Lear, « une dangereuse nuit pour nager. »

Quant au reste, si vous pouvez fabriquer des héros romanesques et mystérieux avec de vieux pêcheurs grossiers, moi le premier je prendrai quelque amusement à la métamorphose. Arrêtez