Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/489

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Ils arrivèrent enfin au lieu de l’embarquement. Le prince resta un moment les bras croisés, et regarda autour de lui en gardant un profond silence. Un papier fut alors glissé dans sa main, — il y jeta les yeux, et dit : « J’apprends que les deux amis par moi laissés à Fairladies ont été prévenus de mon départ, et se proposent de s’embarquer à Bowness ; je présume que ce ne sera point enfreindre les conditions du traité.

— Certainement non, répondit le général Cambpell ils auront toute facilité pour vous rejoindre.

— Alors je ne désire plus qu’un autre compagnon, dit Charles. Redgauntlet, l’air de ce pays vous est aussi nuisible qu’à moi ; ces messieurs ont fait leur paix, ou plutôt ils n’ont rien fait pour la rompre : mais vous… venez, et partagez mon asile, en quelque lieu que me conduise le destin. Nous ne reverrons jamais ces rivages, mais nous en parlerons, ainsi que de notre ridicule combat de taureaux.

— Je vous suivrai, sire, toute la vie, s’écria Redgauntlet, comme j’aurais voulu vous suivre à la mort : accordez-moi un moment.

Le prince promena ses regards autour de lui, et voyant les figures défaites de ses autres partisans qui tous baissaient les yeux, il se hâta d’ajouter : « Ne croyez pas, messieurs, que je vous doive moins de reconnaissance parce que notre zèle fut mêlé de prudence, — d’une prudence qui, j’en suis certain, eut plutôt pour motif mon intérêt et celui de votre pays, qu’aucune crainte personnelle. »

Il alla de l’un à l’autre, et, au milieu des larmes et des sanglots qui éclataient de toutes parts, il reçut les adieux des derniers amis qui avaient soutenu jusque-là ses hautes prétentions : il leur parla à tous individuellement avec un accent de tendresse et d’affection.

Le général se retira un peu à l’écart, et fit signe à Redgauntlet de venir lui parler, tandis que cette scène se passait. « Tout est maintenant fini, dit-il, et jacobite ne sera plus désormais un nom de parti. Quand vous serez las de la terre étrangère, et que vous désirerez faire votre paix, avertissez-m’en : votre zèle infatigable a seul empêché votre pardon jusqu’à présent.

— Et aujourd’hui je n’en ai plus besoin, répliqua Redgauntlet ; je quitte l’Angleterre pour toujours ; mais je ne serais point fâché que vous entendissiez mes adieux à ma famille. — Mon neveu,