Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/481

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discutées eu audience, avec ou sans réplique de votre part, comme il vous plaira. »

Alan n’eut jamais de sa vie plus de peine à maîtriser un premier mouvement, qu’il n’en eut alors à s’empêcher de battre le vieil imbécile qui venait l’interrompre en un pareil moment. Mais la longueur du discours avec lequel l’aborda Pierre lui donna le temps, par bonheur pour tous deux peut-être, de réfléchir à l’extrême irrégularité d’une pareille conduite. Il se tut néanmoins, très-vexé, pendant que Pierre continuait.

« Fort bien ! mon beau jeune homme, je vois que vous êtes honteux de vous-même, et je ne m’en étonne pas. Il vous faut quitter cette demoiselle, — sa société ne vous convient pas. J’ai entendu l’honnête M. Pest dire que la robe s’arrange mal avec le cotillon. Mais retournez chez votre pauvre père ; je prendrai soin de vous toute la route, je vous tiendrai compagnie, et du diable si nous dirons un mot qui n’ait pas rapport à la situation où en sont restés les procès réunis de la grande cause du pauvre Peebles contre Plainstanes.

— Si tu peux avoir la patience d’en écouter sur ce procès, dit le quaker, aussi long que j’en ai entendu par pure compassion pour toi, je pense, ami, que vraiment tu arriveras bientôt au fond de cette affaire, à moins qu’elle n’ait pas de fond du tout. »

Fairford repoussa presque avec indignation la large main décharnée que Pierre avait posée sur son épaule, et il se préparait à le tancer un peu vertement sur cette interruption désagréable autant qu’insolente, lorsque la porte s’ouvrit. Une voix grêle dit à la sentinelle : « Je vous répète qu’il faut que j’entre pour voir si M. Nixon est dans cette chambre, » et le petit Benjie avança sa chevelure en désordre et son brillant œil noir. Avant qu’il pût retirer la tête, Pierre Peebles s’élança vers la porte, saisit l’enfant au collet, et l’entraîna au milieu de la chambre.

« Vous voici donc enfin, dit-il, rejeton de Satan, qui n’êtes bon à rien ! — Je vous ferai bien rendre vos comptes, je pense ; — je vous enverrai en une seule fois la première et la seconde assignation, enfant du diable !

— Que réclames-tu donc ? » dit le quaker en intervenant ; ami Peebles, pourquoi effrayes-tu cet enfant ?

— J’ai donné à ce petit voleur un sou pour m’acheter du tabac, répondit le pauvre, et il ne m’a rendu aucun compte de sa gestion ; mais je vais me le rendre moi-même. »

En parlant ainsi, il procéda de force à fouiller toutes les poches de la jaquette en guenilles de Benjie ; il en tira deux ou trois pièges à prendre les oiseaux, des billes de marbre, une pomme à demi mangée, deux œufs volés, dont Pierre brisa l’un dans