Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qu’il croyait, de recouvrer sa liberté, et d’échapper aux poursuites après l’avoir reconquise.

Mais Lilias se récria contre ce projet. « Son oncle, dit-elle, était un homme qui, dans ses moments d’exaltation, ne connaissait ni remords, ni crainte. Il était capable de rejeter sur Darsie le tort qu’il pouvait soupçonner Fairford de lui avoir fait ; — puis, c’était son proche parent, et elle avait souvent eu à se louer de ses bontés. » Elle supplia donc Alan de renoncer à toute tentative, même en faveur de son frère, qui pût mettre en danger la vie de Redgauntlet. Fairford lui-même se rappela le père Bonaventure, et ne douta guère qu’il ne fût un des fils du vieux chevalier de Saint-Georges. Par un sentiment qui, bien que contraire à ses devoirs de citoyen, peut à peine être blâmé, son cœur se souleva à la pensée de devenir l’instrument qui abattrait le dernier rejeton d’une longue suite de princes écossais. Il songea d’abord à obtenir, s’il était possible, une audience du prêtre supposé, pour lui démontrer combien était possible la réussite d’une telle entreprise, chose que l’ardeur de ses partisans pouvait bien, pensait-il, lui avoir déguisée ; mais il renonça aussitôt à ce dessein. Il ne doutait pas que les lumières qu’il pourrait lui fournir sur l’état du pays ne vinssent trop tard pour tourner au profit d’un prince qui passait généralement pour avoir sa part entière de cette obstination héréditaire qui avait coûté si cher à ses ancêtres, — et qui, en tirant l’épée, devait avoir jeté loin de lui le fourreau.

Lilias lui suggéra l’avis le plus convenable à la circonstance : c’était de céder à la nécessité où les mettait leur position, et d’épier avec soin le moment où Darsie jouirait de quelque liberté, pour établir une correspondance avec lui. Alors, leur évasion commune pourrait s’effectuer, sans compromettre la sûreté de personne.

La délibération des jeunes captifs les avait amenés à cette dernière résolution, quand Fairford, qui écoutait avec ravissement la douce voix de Lilias Redgauntlet, rendue encore plus intéressante par une légère teinte d’accent étranger, fut distrait par une main pesante qui tomba de tout son poids sur son épaule. C’était la main de Pierre Peebles : il s’était enfin débarrassé du patient quaker ; et sa voix discordante criait à l’oreille de son avocat voyageur : « Ah ! ah ! mon garçon ! je crois que je vous tiens ! — Vous êtes donc devenu avocat consultant, hein ? — Et vous choisissez vos clients parmi les fichus et les jupons ? Mais attendez un peu, mon jeune ami, et vous verrez si je ne vous arrange pas comme il faut, quand ma pétition et ma plainte viendront à être