Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/476

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temps qu’il lui disait : « Ami, tu es pauvre et imprévoyant. Cette pièce d’argent bien employée pourra te nourrir plus d’un jour, et je te la donnerai si tu consens à rester assis là et à me tenir compagnie ; car nous ne sommes, ni toi ni moi, une société convenable pour des dames.

— Parlez pour vous-même, l’ami, » répliqua Pierre avec dédain ; « j’ai toujours passé pour plaire au beau sexe ; et lorsque j’étais dans le commerce, je servais toujours les dames bien plus galamment que Plainstanes, ce maudit et maladroit coquin ! Ce fut une de nos causes de brouille.

— Fort bien : mais, ami, » dit le quaker qui observa que la jeune miss semblait craindre encore d’être assaillie par Pierre Peebles, « je voudrais bien t’entendre causer un peu sur ton fameux procès qui a eu tant de célébrité.

— De célébrité ? — Vous pouvez bien le dire, » répliqua Pierre ; car on avait touché la corde à laquelle sa folle imagination répondait toujours. « Et je ne m’étonne pas que des gens, qui jugent les choses d’après leur grandeur apparente, me regardent comme digne d’envie. Il est vrai que s’il est au monde une chose merveilleuse, c’est d’entendre l’huissier prononcer à haute voix une phrase qui résonne sous les longues voûtes du vestibule de la cour : — « Le pauvre Pierre Peebles contre Plainstanes et per contra, » et de voir alors les meilleurs avocats courir vers la salle d’audience comme des aigles fondant sur leur proie ; les uns parce qu’ils sont de la cause, les autres pour faire croire qu’ils en sont — (on recourt à la ruse dans d’autres métiers que dans celui où l’on vend des étoffes) : c’est plaisir de voir les rapporteurs tailler leurs plumes pour prendre des notes sur les débats, — et les magistrats eux-mêmes montant à leurs fauteuils, comme des gens qui s’asseyent devant un bon dîner, et criant à leurs clercs de leur donner les pièces et les mémoires appartenant au procès, tandis que les clercs, pauvres diables, ne peuvent que crier à leur tour aux huissiers de les leur faire passer. Voir un pareil spectacle, » continua Pierre avec un cri de ravissement continu, « et savoir que rien ne sera dit ou fait par tous ces grands personnages, durant peut-être un espace de trois heures, rien qui ne vous concerne vous et votre affaire ! — Oh ! brave homme, il n’est pas étonnant de vous entendre appeler cela une des gloires de ce monde ! Et pourtant, voisin, comme je le disais, il y a un vilain revers à la médaille. — Je songe parfois à ma bonne maison, où le dîner, le souper et le déjeuner arrivaient toujours sans même que je les demandasse, absolument comme si des fées les eussent apportés, — et à mon excellent lit le soir, — et à mon gousset bien garni d’argent. — Et puis voir toute la fortune d’un homme suspendue