Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/438

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nuire corporellement ; — nous devons vivre et laisser vivre, — pardonner et oublier.

— Le diable m’enlève, ami Large-Bord, » dit Nanty Ewart en regardant le quaker, « si je comprends un mot de ce que veut dire ce vieil épouvantail. Si je croyais qu’il fût convenable de lui faire voir maître Fairford, ma foi ! c’est une affaire qu’on pourrait sans doute arranger. Connaissez-vous un peu ce vieux drôle ? — vous sembliez prendre intérêt à lui tout à l’heure.

— Pas plus que je n’en prendrais à tout homme dans la détresse, » répondit Geddes, content d’être ainsi interpellé. « Mais je ferai tout mon possible pour découvrir qui il est, et ce qu’il vient faire dans ce pays ; — cependant, ne sommes-nous pas un peu trop en public dans cette salle ouverte à tout venant ?

« C’est bien pensé vraiment ! » dit Ewart, et, d’après ses ordres, la servante les introduisit dans un petit cabinet, Pierre les accompagnant dans l’espérance instinctive qu’ils boiraient encore avant de se quitter. Ils s’étaient à peine établis dans leur nouvel appartement, que le son d’un violon se fit entendre dans la pièce qu’ils venaient de quitter.

« Il faut que je retourne là-bas, » dit Pierre en se levant ; c’est le son d’un violon ; et quand il y a de la musique, il y a toujours quelque chose à manger ou à boire.

— Je vais vous faire servir quelque chose ici-même, dit le quaker ; mais en attendant, voyez-vous quelque inconvénient, mon bon ami, à nous dire votre nom ?

— Pas le moindre, si vous désirez boire à mon nom et à mon surnom ; mais autrement, je ne répondrai pas à vos interrogatoires.

— Ami, ta santé s’en trouvera mal, attendu que tu as bu déjà suffisamment. — Néanmoins, — ici donc, la fille ! — apportez-moi un gill[1] de sherry.

— Le sherry est une boisson peu spiritueuse, et un gill est une bien petite mesure pour deux gentilshommes qui font connaissance pour la première fois. — Mais voyons, pourtant, goûtons votre pauvre gill de sherry, » ajouta Pierre Peebles, en avançant sa longue main pour saisir la petite mesure d’étain, qui, suivant la coutume du temps, contenait la généreuse liqueur fraîche tirée du poinçon.

« Mais, l’ami, arrête donc, dit Josué, tu ne m’as point encore dit quel nom et quel surnom je devais te donner.

  1. Une roquille. a. m.