Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/420

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efficacement, quand même je serais convaincu qu’ils retentissent en ce moment à mon oreille, il faudrait que je visse au moins une espérance raisonnable de succès dans l’entreprise désespérée où vous voulez me jeter. Je regarde autour de moi : et je trouve un gouvernement établi, — une autorité reconnue, — un roi anglais sur le trône, — et les montagnards eux-mêmes, les montagnards sur qui seuls reposait l’espoir de la famille exilée, formés en régiments soumis aux ordres de la dynastie régnante. La France est encore épouvantée des terribles leçons que lui a données la dernière guerre, et se soucie peu d’en provoquer une autre. Tout, au dehors comme au dedans du royaume, est contraire à une entreprise qui n’a aucune chance de réussite, et vous seul, monsieur, paraissez prêt à embrasser de nouveau une cause perdue.

— Et je l’embrasserais encore, vous semblât-elle dix fois plus désespérée ; car je l’ai tentée quand dix fois plus d’obstacles s’y opposaient. — Ai-je oublié la mort sanglante de mon frère ? — Puis-je, — osé-je même réciter à présent la prière du Seigneur, puisque mes ennemis et ses meurtriers n’ont point obtenu de moi leur pardon ? — Est-il un moyen que je n’aie essayé, — une privation à laquelle je ne me sois soumis, pour déterminer la crise qui se prépare maintenant ? — N’ai-je pas été un homme voué et dévoué, rejetant toutes les douceurs de la vie sociale, renonçant même aux exercices de dévotion, à moins que je ne pusse nommer dans ma prière mon véritable roi, me résignant à tout en un mot pour faire des prosélytes à cette noble cause ? — Ai-je donc tant fait, pour être maintenant arrêté court ? » Darsie allait l’interrompre ; mais appuyant avec tendresse la main sur son épaule, et lui enjoignant ou plutôt le suppliant de se taire : « — Paix ! continua son oncle, héritier de la renommée de mes ancêtres, — héritier de toutes mes espérances et de tous mes désirs ; — paix ! fils de mon frère assassiné ! J’ai travaillé pour toi, j’ai gémi pour toi, comme une mère pour son unique enfant. Que je ne te reperde pas au moment où tu es rendu à mon espoir. Crois-moi, je me défie tellement de l’impatience de mon caractère, que je le demande en grâce, ne fais rien pour l’irriter en ce moment critique. »

Darsie ne fut pas fâché de pouvoir répondre que son respect pour la personne de son parent lui ferait écouter tout ce que celui-ci jugerait convenable de lui apprendre, avant de former aucune résolution définitive sur d’aussi importants sujets de délibération.