Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des intrigues dangereuses, comme les garde-malades s’accoutument, dit-on, dans un hospice de pestiférés, à l’air qu’on y respire, au point d’oublier qu’il leur est nuisible.

— Et pourtant, si je pouvais me débarrasser de lui sans en venir à une rupture ouverte… Dites-moi, Lilias, croyez-vous qu’il ait en vue une tentative immédiate ?

— Pour vous dire la vérité, je ne puis le révoquer en doute. On s’est remué plus que d’habitude parmi les jacobites de ce pays. Leur espoir, comme je vous l’ai dit, est ranimé par des circonstances qui n’ont aucun rapport avec leur propre force. Immédiatement avant que vous vinssiez en Angleterre, le désir qu’avait mon oncle de vous découvrir devint, s’il est possible, plus vif que jamais. Il parlait d’hommes qui allaient bientôt se rassembler, et de l’influence que votre nom produirait sur eux. À cette époque eut lieu votre première visite à Brokenburn. Mon oncle soupçonna que vous pouviez être le jeune homme qu’il cherchait, et ce soupçon fut confirmé par les papiers et les lettres que l’infâme Nixon n’hésita pas à prendre dans votre poche. Pourtant une méprise aurait occasionné un fâcheux éclat ; mon oncle se hâta donc d’aller à Édimbourg suivre le fil qu’il tenait, et tira assez de renseignements du vieux M. Fairford, pour ne plus douter que vous ne fussiez son parent. Cependant moi, au risque de courir quelque danger personnel, et tentant des démarches trop hardies peut-être, je tâchai, par l’entremise du jeune Fairford, votre ami, de vous mettre sur vos gardes.

— Et sans succès ! » répliqua Darsie, rougissant sous son masque en se rappelant combien il s’était mépris sur la conduite de sa sœur.

« Je ne m’étonne pas que mes avertissements aient été infructueux, dit-elle, la chose devait être ainsi. D’ailleurs, il vous aurait été difficile d’échapper. Vous fûtes épié tout le temps que vous passâtes à Shepherd’s-Bush et à Mont-Sharon par un drôle qui ne vous quittait presque jamais.

— Ce misérable, ce petit Benjiel s’écria Darsie ; je lui tordrai son cou de singe la première fois que je le rencontrerai.

— Ce fut lui en effet qui informait de vos mouvements notre Cristal Nixon.

— Et Cristal Nixon aussi ! — je lui dois des gages pour la besogne qu’il a faite ; car je me trompe fort, ou c’est lui qui m’a jeté à terre lorsque je fus fait prisonnier en face des pêcheries.