Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/395

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désappointé par la disparition soudaine des nombreux rêves auxquels il s’était abandonné tandis que la Mante-Verte avait été la déesse de son idolâtrie. Depuis quelque temps déjà, il se voyait renversé de son Pégase romanesque, et il se trouvait trop heureux de n’avoir pas les os brisés, quoiqu’il fût étendu par terre. D’ailleurs, malgré ses fantaisies et ses caprices, il avait le cœur généreux et bon ; il fut charmé de faire connaissance avec une parente si proche, si belle, si aimable, et il l’assura, dans les termes les plus chauds, de son affection pour le présent, et de sa protection pour l’avenir, dès qu’ils auraient pu se tirer de leur situation actuelle. Les rires et les larmes se mêlaient sur les joues de Lilias, comme la pluie et le soleil dans un ciel d’avril.

« Se peut-il, dit-elle, que je sois assez enfant pour pleurer d’une chose qui me rend si parfaitement heureuse, lorsque, Dieu m’est témoin, les plaisirs de la famille sont ceux que mon cœur a le plus ardemment désirés, quoiqu’il n’ait pu les goûter encore ? Mon oncle dit que vous et moi, Darsie, nous ne sommes Redgauntlet qu’à moitié, et que le métal dont était faite la famille de notre père a perdu sa force et sa dureté dans les enfants de notre mère.

— Hélas ! répliqua Darsie, je connais si peu notre histoire ! je doutais encore que j’appartinsse réellement à la maison des Redgauntlet, quoique le chef actuel de cette maison me l’eût donné lui-même à entendre.

— Le chef de cette maison ! il faut en effet que vous connaissiez bien peu la famille dont vous descendez, pour désigner mon oncle par un semblable titre. Vous-même, mon cher Darsie, vous êtes l’héritier et le représentant de notre ancienne maison ; car notre père était le frère aîné, — le brave et malheureux sir Henri Darsie de Redgauntlet, qui fut exécuté à Carlisle en l’année 1716. Le nom de Darsie qu’il ajouta au sien propre, il le prit à notre mère, héritière d’une famille du Cumberland recommandable par ses richesses et son ancienneté, dont les vastes domaines vous appartiennent incontestablement par droit d’héritage, quoique ceux de votre père aient été compris dans la sentence générale de confiscation. Mais tous ces faits devaient nécessairement vous être inconnus.

— Vraiment oui, c’est la première fois que j’en entends parler.

— Et vous ne saviez pas que j’étais votre sœur ! Je ne m’étonne plus de l’accueil froid que vous m’avez fait. Combien j’ai dû