Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/387

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vaux mangèrent leur provende, et d’abondantes provisions de bouche furent tirées de dessous des bottes de paille recouvrant les paniers qui les contenaient. Les plus choisies et les meilleures furent mises à part par Cristal Nixon, tandis que les hommes de la troupe se jetaient sur le reste qu’il abandonna à leur discrétion. Peu d’instants après, l’arrière-garde arriva et mit aussi pied à terre, et Redgauntlet lui-même entra dans la grange avec la demoiselle à la mante verte près de lui. Il la présenta à Darsie, en lui disant :

« Il est temps que vous vous connaissiez mieux l’un et l’autre. Je vous ai promis ma confiance, Darsie, et l’heure est venue de vous l’accorder. Mais d’abord il nous faut déjeuner ; et puis, lorsque nous serons remontés en selle, je vous dirai ce qu’il vous est le plus nécessaire de connaître. Embrassez Lilias, Darsie. »

Cette invitation était inattendue, et surprit fort Latimer, dont la confusion fut encore augmentée par l’aisance parfaite et la franchise avec laquelle Lilias lui présenta et la joue et la main : elle serra elle-même la main de Darsie, l’embrassa plutôt qu’il ne l’embrassait, puis elle finit par lui dire : « Combien je suis contente, mon cher Darsie, que notre oncle nous ait enfin permis de faire connaissance !

La tête tournait à Darsie, et il fut peut-être heureux que Redgauntlet l’invitât en ce moment à s’asseoir pour manger, car ce mouvement l’aida à cacher sa confusion. Il y a une vieille chanson qui dit :


— « Quand la dame fait des avances,
Un homme a toujours l’air d’un sot. »


Vérité incontestable, et la figure de Darsie Latimer, à cet accueil si franc et si inattendu, aurait sans contredit fait une admirable vignette pour l’explication de ces deux vers. « Mon cher Darsie ! » et ensuite un baiser, une poignée de main, donnés de si bon cœur, même avec tant d’empressement ! — Oh ! tout cela était fort gracieux sans doute, — tout cela aurait dû être reçu avec beaucoup de reconnaissance ; mais notre ami avait l’esprit fait de telle manière, que rien n’était plus propre à bouleverser toutes ses idées. Si un ermite lui eût proposé de vider avec lui un pot de bière, l’illusion produite par la sainteté du révérend personnage ne se serait pas dissipée plus vite que les divines qualités de la Mante-Verte ne s’évanouirent, par suite de la franchise inopportune de la pauvre Lilias. Vexé d’une conduite si leste, honteux