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Fairford, laissé à lui-même, ne savait à quel parti s’arrêter. L’éducation qu’il avait reçue, aussi bien que les opinions politiques et religieuses de son père, lui avaient inspiré une sainte horreur des papistes, et une croyance sincère pour tout ce qu’on avait dit sur la foi punique des jésuites, ainsi que pour les, expédients de réserves mentales, grâce auxquelles on supposait que les prêtres catholiques, en général, évitaient de tenir leur parole à l’égard des hérétiques. Néanmoins, il y avait, dans les manières et dans les paroles du père Bonaventure, une espèce de majesté, affaiblie et cachée, il est vrai, mais encore grande et imposante, qu’il était impossible de concilier avec ces opinions arrêtées depuis bien long-temps sur la subtilité de l’adresse qu’on imputait aux personnes de sa secte et de sa profession. Alan était surtout convaincu que, s’il n’acceptait pas sa liberté aux conditions offertes, il serait retenu de force : de façon que, sous tous les rapports, il ne pouvait que gagner en les acceptant.

Un frisson involontaire parcourut néanmoins tout son corps, lorsqu’il se dit, en sa qualité d’avocat, que ce père Bonaventure était probablement un traître aux yeux de la loi, et qu’il y avait un certain crime désigné dans le livre des statuts sous le nom de « Non-révélation. » D’un autre côté, quoi qu’il pût croire ou soupçonner, il ne pouvait pas prendre sur lui d’affirmer que cet homme était un prêtre, puisqu’il ne lui avait jamais vu ni porter les habits de son ordre, ni célébrer la messe : il pensa donc qu’il lui était permis de douter d’une chose que n’établissait aucune preuve légale. Il arriva ainsi à cette conclusion : qu’il ferait bien d’accepter sa liberté, et de se rendre près de Redgauntlet, sous la garantie du père Bonaventure, ne doutant guère que cette garantie ne suffît pour le préserver de tout danger personnel. S’il pouvait avoir une entrevue avec le laird des lacs, il se flattait encore de lui démontrer la témérité de sa conduite. Et quand même Redgauntlet ne consentirait pas à relâcher Darsie, dans tous les cas, le lieu de détention et la situation actuelle du jeune homme ne seraient plus un mystère.

Après avoir ainsi formé sa résolution, Alan attendit avec impatience l’expiration de l’heure qu’on lui avait accordée pour réfléchir. Il n’eut pas à souffrir l’inquiétude une seule minute au-delà du temps marqué ; car, à l’instant même où l’horloge sonnait, Ambroise se montra à sa porte et fit signe à Fairford de le suivre dans la galerie. Notre voyageur obéit, et, après avoir traversé