Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/357

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Crackenthorp devrait être maudit lui-même pour exposer le cou d’un honnête homme à un pareil danger. »

C’est ainsi, et plus longuement encore, que bavardait Nanty, augmentant, malgré sa bonne intention, l’agonie d’Alan Fairford, qui, torturé déjà par d’horribles douleurs dans le dos et les reins, qu’accroissait encore le trot dur de son cheval, sentit son violent mal de tête prendre plus de violence encore à mesure que la grosse voix du marin retentissait à ses oreilles. Absolument passif néanmoins, il n’essayait pas même de faire la moindre réponse ; et, en vérité ses souffrances physiques étaient si grandes et si aiguës, qu’il lui était impossible de songer à la situation où il se trouvait, quand même il aurait pu l’améliorer en y songeant.

Ils s’enfonçaient dans l’intérieur des terres ; mais dans quelle direction ? Alan n’avait aucun moyen de s’en assurer. Ils traversèrent d’abord des bruyères et des plaines sablonneuses ; ils franchirent plus d’un ruisseau, plus d’un beck comme on les appelle dans ce pays, — quelques-uns d’une profondeur considérable, — et enfin ils gagnèrent une campagne cultivée, divisée, selon l’usage de l’agriculture anglaise, en très-petits champs ou enclos fermés par des fossés profonds que tapissaient les broussailles et que surmontaient de hautes haies. Au milieu de ces clôtures serpentaient une multitude de sentiers impraticables et inextricables, où les branchages que projetaient les arbres des deux côtés du chemin interceptaient le clair de lune et mettaient en péril la vie des cavaliers. Mais à travers ce labyrinthe l’expérience des guides les conduisait, sans jamais se tromper, sans qu’il fût même jamais besoin de ralentir le pas. En beaucoup d’endroits, néanmoins, il était impossible à trois hommes de marcher de front : en conséquence, la peine de soutenir Alan Fairford retombait alternativement sur le vieux Jephson, comme on l’appelait, et sur Nanty ; et c’était avec beaucoup de difficulté qu’ils parvenaient à le maintenir en selle.

Enfin, il ne pouvait plus résister davantage à la souffrance ; il allait implorer des marins la faveur d’être abandonné à son destin dans la première cabane venue, dans la moindre hutte, au pied d’un arbre, au bas d’une haie, n’importe où, pourvu qu’on le laissât en repos : lorsque Collier, le matelot qui marchait en avant, fit avertir Nanty qu’ils arrivaient à l’avenue de Fairladies, demandant s’il fallait tourner de ce côté.

Abandonnant Fairford aux soins de Jephson, Nanty courut à