Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/334

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du nord, il commençait à se diriger vers le sud, passant l’embouchure de la rivière de Wampool, et se préparant à doubler la pointe la plus septentrionale du Cumberland.

Mais Fairford se sentait oppressé par de cruelles douleurs physiques, aussi bien que par une peine morale d’un caractère triste et accablant ; et ni le Criffel, s’élevant avec majesté, d’une part, ni, de l’autre, la ligne du Skiddaw et du Glaramara, apparaissant dans le lointain, mais d’une manière plus pittoresque, ne pouvaient attirer son attention, comme elle était ordinairement fixée par un paysage magnifique, et surtout quand cette vue avait quelque chose de nouveau aussi bien que d’imposant. Néanmoins, il n’était pas dans la nature d’Alan Fairford de s’abandonner au désespoir, même quand il y était excité par la souffrance. Il eut recours en premier lieu aux livres qu’il avait dans sa poche ; mais au lieu du petit Salluste qu’il avait emporté avec lui, afin que la lecture d’un auteur classique favori l’aidât à passer une heure ou deux, il en tira le prétendu recueil d’hymnes que lui avait donné quelques heures auparavant ce personnage sévère et scrupuleux, ce M. Thomas Trumbull, autrement nommé Turnpenny. Le volume était relié en noir, et son extérieur pouvait annoncer un psautier. Mais quel fut l’étonnement de Fairford, lorsqu’il lut sur le titre les mots suivants : — « Pensées joyeuses pour les gens joyeux, ou les Mélanges de la mère Minuit, ouvrage propre à faire passer le temps ; » et, dès qu’il en eut tourné quelques feuilles, il frémit d’horreur en voyant des contes obscènes et des chansons plus obscènes encore, ornées de figures non moins dégoûtantes que le texte.

« Bon Dieu ! pensa-t-il, se peut-il que ce réprouvé en cheveux blancs rassemble sa famille, et avec un recueil d’infamies licencieuses dans sa poche, ose s’approcher du trône de son Créateur ? La chose est réelle ; le livre est relié de la même manière que ceux qui servent à des buts de dévotion, et indubitablement le misérable, dans son état d’ivresse, aura confondu les livres qu’il portait sur lui, de même que les jours de la semaine. » — Saisi du dégoût qu’éprouve ordinairement un homme jeune et généreux à la vue des vices de la vieillesse, Alan, après avoir feuilleté le livre avec rapidité et dédain, le lança aussi loin que possible dans la mer. Il eut alors recours au Salluste qu’il avait d’abord vainement cherché. Quand il ouvrit ce livre, Nanty Ewart, qui regardait par-dessus son épaule, jugea bon d’exprimer son opinion.