Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/333

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« Tu n’es qu’un jeune coq » murmurait-il à part soi ; « mais ce serait pitié que tu tombasses du perchoir avant d’avoir un peu plus connu les douceurs et les amertumes de ce monde ; — quoiqu’en vérité, si le sort commun t’attend, mieux vaudrait t’abandonner à la chance d’une bonne fièvre. »

Ces paroles, et les soins touchants avec lesquels le commandant du petit brick entourait Fairford de son manteau de marin, donnèrent au jeune aventurier une confiance qu’il n’avait encore pu tout à fait éprouver. Il s’étendit avec une sécurité plus parfaite sur les planches, toutes dures qu’elles fussent, et s’endormit bientôt, quoique son sommeil fût agité et ne donnât aucun délassement à son corps.

Nous avons déjà donné à entendre qu’Alan Fairford avait hérité de sa mère une constitution délicate, avec tendance à la consomption. Fils unique, donnant de pareils motifs de crainte, on avait veillé toujours, avec la plus minutieuse attention, à ce qu’il ne couchât point dans un lit humide et n’eut point les pieds mouillés ; bref, on lui avait toujours sauvé les différentes incommodités de ce genre, auxquelles les jeunes Calédoniens de plus haute naissance, mais de tempérament plus robuste, sont généralement accoutumés. Chez l’homme, l’esprit soutient la faiblesse physique, de même que dans les tribus ailées les plumes soutiennent le corps. Mais il y a des limites à l’étendue de ces facultés ; et comme les ailes de l’oiseau finissent par se lasser, ainsi la vis animi des humains s’épuise par des fatigues continues.

Lorsque le jeune voyageur fut réveillé par la lumière du soleil, déjà bien haut dans le ciel, il se trouva accablé d’un mal de tête presque intolérable, outre une chaleur horrible, une soif dévorante, des douleurs lancinantes dans le dos et les reins, et les autres symptômes qui annoncent un rhume violent accompagné de fièvre. Les fatigues dans lesquelles il avait passé le jour et la nuit d’auparavant, fatigues qui auraient pu n’avoir rien de dangereux pour la plupart des jeunes gens, amenaient pour lui, dont la délicatesse de tempérament avait été augmentée par un excès de soin, des conséquences douloureuses et même périlleuses. Il sentit bien lui-même ce qu’il en était, et pourtant il tâcha de combattre ce commencement d’une indisposition, qu’à la vérité il attribuait surtout au mal de mer. Il s’assit sur le pont, et considéra le spectacle qui l’environnait ; car le petit navire avait déjà franchi tout le golfe de la Solway, et, poussé par un bon vent