Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/331

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liqueur n’avait que fort peu troublé le cerveau de ses gens qui étaient accoutumés à boire à toute heure, et d’une manière tout à fait désordonnée. — L’hôte avait à la vérité la langue un peu épaissie, et les textes de M. Thomas Trumbull ne sortaient pas aussi nettement de sa bouche ; mais Nanty était un de ces buveurs qui, étant dès les premiers verres ce que les bons vivants appellent en train, restent des jours et des nuits de suite au même point d’ivresse ; et de fait, comme ils sont rarement tout à fait sobres, il est rare aussi de les voir complètement ivres. Bref, si Fairford n’avait pas su de quelle manière Ewart avait employé son temps tandis qu’il dormait lui-même, il aurait presque juré, en se réveillant, que le drôle était moins dans les vignes du Seigneur que lorsqu’il était entré dans la chambre.

Il fut confirmé dans cette opinion lorsqu’ils descendirent au rez-de-chaussée, où deux ou trois marins et autant de drôles à mine de bandits attendaient les ordres de leur chef. Ewart se chargea du soin de les leur donner, et il le fit avec brièveté et précision ; puis il veilla à ce qu’ils fussent exécutés avec le silence et la promptitude que le cas exigeait. Tous furent ensuite renvoyés au brick qui, comme Fairford fut à même de le comprendre, était à l’ancre un peu au-dessous dans la rivière, attendu qu’elle était navigable pour les navires, prenant peu d’eau jusqu’à un mille environ de la ville.

Lorsqu’ils sortirent de l’auberge, le cabaretier leur souhaita le bonsoir. Le vieux Trumbull les accompagna une certaine partie du chemin ; mais l’air produisit sans doute un grand effet sur son cerveau ; car, après avoir rappelé à Alan Fairfoid que le lendemain était l’honorable jour du sabbat, il entama une exhortation d’une longueur démesurée pour l’engager à le garder saintement. Enfin s’apercevant peut-être qu’il devenait inintelligible, il mit un volume entre les mains de Fairford, — et lui dit en s’interrompant par des hoquets : — « Bon livre ! — très-bon livre ! excellent recueil d’hymnes — dignes de l’honorable jour du sabbat qui tombe demain. » En ce moment, la langue de fer du Temps cria cinq heures du haut du beffroi d’Annan, à la plus grande confusion des idées de M. Trumbull, déjà très-confuses en elles-mêmes. « Oui-da ? dimanche est-il déjà venu et parti ? — Le ciel soit loué ! seulement c’est merveille que l’après-dîner soit si sombre pour cette époque de l’année. Le sabbat s’est passé bien tranquillement ; mais nous avons droit de nous en féliciter, nous ne