Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/319

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Le vieillard recula comme d’étonnement, et avant de répondre jeta sur l’individu qui l’interrogeait ainsi un regard vif et perçant qui semblait vouloir dire : « Êtes-vous réellement en possession de cette clef de ma confiance, ou ne parlez-vous ainsi que par pur accident ? »

À ce pénétrant coup d’œil de méfiance, Alan répondit par un sourire d’intelligence.

Les muscles de fer du visage du vieillard ne se relâchèrent pourtant pas tandis qu’il laissait tomber, comme par mégarde, de sa bouche la seconde partie du mot d’ordre : « Elle ne donne pas assez de lumière pour débarquer une cargaison.

— Alors au diable les almanachs d’Aberdeen !

— Au diable aussi tous les sots qui perdent le temps ! — Ne pouviez-vous donc me tenir ce langage tout d’abord ? — Et rester là à jaser au milieu de la rue ! entrez, voyons ? Entrez ! »

Il entraîna son visiteur dans l’allée obscure de la maison, et referma soigneusement la porte ; puis allongeant la tête dans une pièce qui, à en juger par les voix bruyantes qui retentissaient au dedans, était remplie par sa famille et ses gens, il dit tout haut : « Une œuvre de nécessité et de merci. — Malachie, prenez le livre : — vous chanterez les douze premiers versets du dix-neuvième psaume ; vous lirez encore un chapitre des Lamentations de Jérémie. — De plus, Malachie, ajouta-t-il à voix plus basse, — voyez à leur débiter quelques bribes de sermon qui les tiendra jusqu’à ce que je revienne, sinon ces étourdis-là sortiraient de la maison, iraient courir les cabarets, perdre un temps précieux, et peut-être manquer la marée du matin. »

Quelques mots inintelligibles, prononcés à l’intérieur, annoncèrent que Malachie avait l’intention de se conformer aux ordres qui lui étaient donnés ; et M. Trumbull, fermant la porte, retira la clef de la serrure et la mit dans sa poche en murmurant : « Chose bien enfermée est bien gardée ; » puis, engageant son visiteur à prendre garde à ses pas et à ne pas faire de bruit, il lui fit traverser la maison, et l’introduisit par une porte de derrière dans un petit jardin. Là, une allée sablée les conduisit sans qu’aucun voisin pût les apercevoir, à une autre porte pratiquée dans le mur d’enceinte. C’était une entrée particulière dans une écurie pour trois chevaux : il n’y en avait qu’un seul pour le moment, mais il se mit à hennir. « Paix ! paix ! cria le vieillard, et aussitôt il appuya ses exhortations au silence par une poignée d’avoine