Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/311

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Moi ! M. Alan, je ne dis pas plus ceci que cela ; mais vous ignorez encore ce que c’est que de regarder un Redgauntlet en face. Essayez plutôt avec ma femme qui n’est leur cousine qu’au quatrième degré, avant de vous exposer avec le laird en personne : — parlez-lui seulement un peu de la révolution, et voyez quel regard elle pourra vous lancer.

— Je vous laisse le soin de soutenir tous les feux de cette batterie, prévôt. Mais répondez-moi en homme, — pensez-vous que Summertrees agisse loyalement avec moi ?

Loyalement ? — le voilà qui vient — loyalement ? Je suis un homme franc, M. Fairford — mais n’avez-vous pas dit loyalement ?

— Je l’ai dit, et il est de la plus grande importance pour moi de savoir et pour vous de m’éclairer sur cet article ; car si vous ne le faites point, vous pouvez être complice d’un meurtre convenu d’avance, et dans des circonstances même qui le feraient ressembler à un meurtre avec préméditation.

— Meurtre ! — qui parle de meurtre ! — il n’y a pas de meurtre à craindre, M. Alan : — seulement…, si je dois vous dire toute ma pensée… » — Alors, il approcha sa bouche de l’oreille du jeune avocat, et après un violent et douloureux effort, pareil à ceux d’une femme en travail, il accoucha heureusement de son avis dans les termes suivants : — « Jetez un coup d’œil sur la lettre de Tête-en-Péril avant de la remettre à son adresse. »

Fairford tressaillit, regarda le prévôt fixement et en face, et resta muet. M. Crosbie, avec la satisfaction de soi-même qu’éprouve un homme qui est enfin parvenu à s’acquitter d’un grand devoir, aux dépens d’un sacrifice pénible, clignait de l’œil et fronçait les sourcils en regardant Alan, comme pour donner plus de force à son avis ; puis avalant un large verre de punch, il répéta, avec le soupir d’un homme délivré d’un pesant fardeau ; Je suis un homme franc, M. Fairford.

— Un homme franc ! » dit Maxwell qui rentrait dans la chambre en cet instant, avec la lettre à la main. — « Prévôt, je ne vous ai jamais entendu vous servir de cette expression que quand vous aviez quelque méchant tour de votre métier à jouer aux autres. »

Le prévôt eut l’air assez sot, et le laird de Summertrees lança un regard perçant et soupçonneux à Alan Fairford, qui le soutint avec l’intrépidité habituelle aux hommes de sa profession. — Il y eut alors un moment de silence.