Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, oui, dit le prévôt, c’était une loi bien commode, je vous en réponds.

— Commode ! s’écria la femme, commode ! je voudrais que les auteurs de cette loi passassent par un jury que je leur nommerais !

— Le jeune avocat pense, sans doute, que c’était agir avec toute justice, » reprit Summertrees en regardant Fairford, « un vieux légiste pourrait penser autrement. Cependant il fallait trouver un bâton pour battre le chien, et l’on en choisit un lourd. Hé bien ! je gardais mon sang-froid mieux que mon compagnon, pauvre diable ; car j’avais le bonheur de n’avoir à songer ni à femme ni à enfants, et Harry Redgauntlet avait tout cela. — Vous avez vu Harry, mistress Crosbie ?

— Oui vraiment ! » répondit-elle avec le soupir que nous donnons à d’anciens souvenirs dont l’objet n’existe plus. « Il n’était pas si grand que son frère, mais plus gentil garçon du reste. Depuis son mariage avec cette riche héritière anglaise, on disait qu’il était devenu moins Écossais qu’Édouard.

— Alors on mentait, dit Summertrees ; le pauvre Harry n’était pas un de ces grands parleurs, de ces fanfarons qui jasent de ce qu’ils ont fait hier et de ce qu’ils feront demain ; c’était quand il fallait faire une chose au moment même qu’Harry Redgauntlet était votre homme. Je le vis à Culloden, quand tout était perdu, terminer plus de besogne que vingt de ces fameux fiers-à-bras ; tellement que les soldats mêmes qui le prirent se disaient les uns aux autres de ne pas lui faire de mal, — car quelqu’un en avait donné l’ordre, prévôt, — et c’était un hommage bien dû à la bravoure. Eh bien, tandis que je marchais à côté d’Harry, je le sentis soulever ma main au milieu du brouillard du matin, comme s’il voulait s’essuyer les yeux, — car il ne pouvait prendre cette liberté sans ma permission, — et mon cœur était prêt à se briser pour lui, ce pauvre diable ! Cependant j’avais toujours été essayant et puis essayant encore à rendre ma main aussi mince que celle d’une dame, pour voir si je pourrais la retirer de mon bracelet de fer. Vous pouvez croire, » dit-il en étendant sa grosse et large main sur la table, « que j’avais fort à faire avec un pareil poing qui ressemble à une épaule de mouton ; mais, si vous observez bien, les os des poignets sont d’une bonne taille : on avait donc été contraint de laisser la menotte un peu lâche. Enfin je réussis à l’en ôter et à l’y remettre ; et le pauvre Harry était tel-