Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/297

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tant en Écosse qu’en pays étrangers, et au diable les autres ! Et maintenant ; — mais vous l’avez déjà entendue, mistress Crosbie ?

— Pas assez souvent pour la trouver ennuyeuse, je vous assure, » répondit la dame.

Et, sans de plus amples préliminaires, le laird adressa la parole à Alan Fairford.

« Vous avez entendu parler d’une année qu’on appelle 1745, jeune homme, lorsque les têtes des hommes du Sud firent pour la dernière fois connaissance avec les claymores écossaises. Il y avait alors dans le pays des bandes de braves enfants qu’on nommait rebelles. — Je n’ai jamais pu savoir pourquoi. — Certaines gens auraient dû grossir leur nombre, qui ne l’ont jamais grossi, prévôt. — Puisse-t-il, en punition de leur lâcheté, ne leur rester, comme au village de Traquhair, d’autre abri que le firmament et les bois. — Eh bien, l’affaire se termina enfin. On ficha en terre une multitude de certains poteaux, et les cous allongés devinrent à la mode. Je ne me souviens pas au juste à quel propos je parcourus la campagne avec poignard et pistolets à ma ceinture, pendant cinq ou six mois de l’année, ou à peu près. Mais j’eus un pénible réveil après un songe bizarre. Je me trouvai, par une matinée brumeuse, allant à pied, ma main gauche, dans la crainte sans doute qu’elle ne s’égarât, passée dans une menotte, comme ils appellent cela, tandis que la main droite du pauvre Harry Redgauntlet était passée dans l’autre menotte jointe à la mienne par une chaîne ; et nous cheminions ainsi avec une vingtaine d’autres environ, que leurs bêtes avaient enfoncés aussi avant que nous-mêmes dans le bourbier, accompagnés d’une garde d’habits rouges aux ordres d’un sergent, et de deux files de dragons, pour nous tenir tranquilles et animer un peu notre marche. Or, si cette manière de voyager n’était pas très-agréable, le but du voyage n’avait rien non plus qui le recommandât beaucoup ; car vous comprenez, jeune homme, qu’on ne s’avisait pas de faire juger les pauvres diables de rebelles par un jury de leurs concitoyens, quoiqu’on eût pu trouver assez de whigs en Écosse pour nous pendre tous ; mais on aimait mieux nous mener au galop pour être jugés à Carliste, ou les bourgeois avaient été si effrayés que, si vous aviez traduit tout un clan de montagnards à la fois devant le tribunal, les magistrats se seraient bouché les yeux avec leurs mains, et auraient crié : « Pendez-les tous ! simplement pour qu’il n’en fût plus question.