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— Oui, Summertrees, dit le prévôt ; ce fut quand vous jouâtes le rôle de Trompe-la-Potence, et qu’on vous baptisa du surnom de Tête-en-Péril. Je voudrais bien que vous contassiez cette histoire à mon jeune ami que voilà : comme tous les hommes de la loi, il aime à entendre le récit d’un bon tour.

— Je suis surpris de votre manque de circonspection, prévôt, » répondit le laird, absolument comme un chanteur, quand il refuse de faire entendre un air qu’il a déjà sur le bout de la langue. « Vous devriez ne pas oublier qu’il est certaines vieilles histoires sur lesquelles on ne peut pas toujours revenir sans compromettre la sûreté des gens qu’elles concernent. Tace[1], en latin, veut dire chandelle.

— J’espère, dit mistress Crosbie, que vous ne craignez pas qu’on aille redire hors de cette maison la moindre chose à votre préjudice, Summertrees. J’ai déjà entendu cette histoire ; mais plus je l’entends, plus je la trouve merveilleuse.

— Oh ! madame, il y a maintenant plus de neuf jours qu’on s’en émerveille, et il est temps de n’y plus songer, » répliqua Maxwell.

Fairford crut alors que la politesse lui commandait de dire, « qu’il avait souvent ouï parler de l’inconcevable évasion de M. Maxwell, et que rien ne pourrait lui faire plus de plaisir que d’en entendre la véritable version. »

Mais Summertrees restait inébranlable : il ne voulait pas abuser des loisirs de la compagnie en contant « de si vieilles et si absurdes aventures de guerre.

— Hé bien ! hé bien ! dit le prévôt, il faut laisser un homme volontaire faire ses volontés. — Que pensez-vous donc, vous autres gens du comté, des troubles qui commencent à agiter les colonies ?

— C’est excellent, monsieur, excellent ; quand les choses en viennent au pire, elles s’améliorent : or voilà qu’elles empirent joliment. — Mais quant à ce fameux exploit dont vous parliez tout à l’heure, si vous insistez pour que je vous en donne les détails, » — dit le laird qui commençait à s’apercevoir que le moment de conter son histoire avec grâce s’éloignait grand train.

« Non, répliqua le prévôt, ce n’était pas pour moi, mais pour ce jeune homme.

— Hé bien ! pourquoi ne satisferais-je pas l’envie de ce jeune homme ? — Je vais seulement boire à la santé des honnêtes gens,

  1. Tais-toi. a. m.