Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/273

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Oh ! sifflez, mon garçon, et je viens vite à vous ;
Dussent tous mes parents devenir bientôt fous,
Sifflez et je viens vite à vous.


J’entendis bientôt retentir un bruit de pieds dans la cour, et je conclus que Jean et Dorcas dansaient une guigue avec leurs sabots, chaussure habituelle des villageois du Cumberland. À la faveur de ce tapage, je m’efforçai de répondre au signal de Willie, en sifflant aussi haut que je pus : —


Revenez, et puis aimez-moi ;
Le reste m’est égal, ma foi !


Il abandonna tout à coup les danseurs au milieu de la cadence, en changeant l’air qu’il jouait pour celui de : —


Voici ma main, je ne trahirai pas.


Je ne doutai plus qu’une communication ne fût heureusement établie entre nous : si j’avais une occasion de parler au pauvre musicien, je le trouverais évidemment disposé à porter ma lettre à la poste, à invoquer en ma faveur l’assistance de quelque magistrat actif ou de l’officier commandant le château de Carlisle ; ou enfin à faire toute autre chose qu’il serait en sa puissance d’accomplir, pour contribuer à ma délivrance. Mais, pour parvenir à lui adresser la parole, je devais courir le risque d’alarmer les soupçons de Dorcas ou de son Corydon, plus stupide encore. La cécité de mon allié l’empêchait de recevoir aucune communication par signes, — en supposant que j’eusse pu me hasarder à lui en faire, sans manquer de prudence ; — de sorte que, tout en reconnaissant combien le mode de correspondance que nous avions adopté était incomplet et susceptible de fausses interprétations, je trouvai que je n’avais rien de mieux à faire qu’à le continuer, m’en remettant à ma sagacité et à celle de mon correspondant pour appliquer aux airs le sens qu’ils étaient destinés à rendre. Je songeai aussi à chanter les paroles mêmes de quelque chanson bien significative ; mais je craignis en le faisant d’exciter les soupçons. Je tâchai donc d’annoncer au musicien que je quitterais prochainement le lieu de ma résidence actuelle, en sifflant l’air bien connu par lequel se terminent d’ordinaire en Écosse toutes les parties de danse : —