Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/215

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occupés à traverser le formidable détroit qui sépare les deux royaumes.

Il paraissait y avoir au moins cinq ou six hommes autour du chariot, les uns à pied, les autres à cheval : les premiers prêtaient leurs secours quand la voiture menaçait de verser ou de s’embourber dans les sables ; les seconds galopaient devant et servaient de guides, changeant très-souvent de direction, comme l’exigeait une route difficile.

Je m’adressai aux hommes qui entouraient le chariot, et je tentai d’émouvoir leur compassion. Je n’avais, disais-je, fait de mal à personne, et aucune action dans ma vie ne m’avait mérité un pareil traitement. Je ne possédais aucune espèce d’intérêt dans la pêcherie qui avait encouru leur déplaisir, et ma connaissance avec M. Geddes était de date fort récente. Pour derniers arguments, j’essayai de les effrayer en leur apprenant que mon rang dans le monde ne permettrait pas de m’assassiner ou de me retenir captif avec impunité, et je cherchai à intéresser leur cupidité par des promesses de récompense s’ils consentaient à me rendre la liberté. Je reçus seulement un rire de mépris en réponse à mes menaces ; mes promesses auraient pu obtenir davantage, car les drôles se parlaient à voix basse comme s’ils hésitaient, et je commençais à réitérer, j’en faisais même de plus libérales encore, lorsque la voix d’un des cavaliers qui avait subitement rabattu vers nous ordonna aux hommes qui étaient à pied de garder le silence, et s’approchant du chariot, me dit d’une voix ferme et déterminée : « Jeune homme, on ne vous veut personnellement aucun mal. Si vous restez muet et tranquille, vous pouvez compter sur de bons traitements ; mais si vous cherchez à corrompre ces hommes dans l’accomplissement de leur devoir, je prendrai, pour vous clore la bouche, des mesures dont vous garderez le souvenir aussi long-temps que vous vivrez. »

Je crus reconnaître la voix qui proférait de telles menaces ; mais dans une situation pareille à la mienne, on ne doit pas supposer que les perceptions des sens soient parfaitement sûres. Je me contentai de répondre : « Qui que vous soyez, vous qui parlez ainsi, je vous supplie de m’accorder les égards dont jouit ordinairement le plus vil prisonnier qui n’est soumis qu’à la contrainte nécessaire pour la garde de sa personne. Je demande