Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/198

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prise de tabac entre chacune de ses phrases, dont, sans cette précaution, il n’eût jamais vu la fin, — le vétéran de la chicane promena sa lourde prose sur tous les sujets qui avaient été traités avec tant de clarté par Fairford ; il ramena peu à peu la cause dans le galimatias d’où son adversaire l’avait tirée, et réussit à étendre de nouveau le voile de ténèbres qui avait obscurci et rendu incompréhensible, pendant un si grand nombre d’années, le procès de Peebles contre Plainstanes. L’affaire resta encore pendante par suite du renvoi des parties devant un auditeur de comptes ordonné par la cour, pour que rapport lui fût fait avant le prononcé du jugement. Un résultat si différent de celui qu’attendait le public, d’après le plaidoyer d’Alan, donna lieu à différentes conjectures.

Le client lui-même opinait pour qu’on l’attribuât : 1° à son absence durant le plaidoyer de la première séance, « ayant été, disait-il, entraîné au café par John, et débauché par l’eau-de-vie, l’usquebaugh et d’autres liqueurs fortes, et tout cela per ambages de Pierre Drudgeit, employé à cet effet par les conseils, la fraude et la fourberie de Saunders Fairford, son agent ou son prétendu agent ; 2° à la fuite et à la désertion volontaire du jeune Fairford, son avocat. En conséquence de quoi, il porta plainte contre le père aussi bien que contre le fils, et les accusa de malversation : de sorte que l’issue de ce procès semblait menacer l’infortuné M. Saunders Fairford d’un nouveau sujet d’ennuis et de mortifications. Le pire de l’affaire était que sa conscience lui disait que la cause avait été réellement abandonnée, et qu’Alan, pour peu qu’il se fût donné la peine de revenir sur sa première argumentation, et de reproduire les preuves sur lesquelles il avait appuyé ses raisonnements, Alan n’aurait eu qu’à souffler, pour ainsi dire, et l’on aurait vu s’envoler toutes les toiles d’araignée dont Me Tough avait tapissé de nouveau la procédure. Mais l’arrêt avait été rendu, disait-il, comme par défaut, et la cause perdue faute de contradicteur.

Cependant une semaine environ s’écoula sans que M. Fairford reçût aucune nouvelle directe de son fils. Il apprit, à la vérité, par une lettre de M. Crosbie, que le jeune avocat était heureusement arrivé à Dumfries, mais qu’il avait quitté cette ville pour procéder à des recherches ultérieures, dont il ne lui avait pas communiqué la nature. Le vieillard, ainsi laissé en proie aux doutes, et poursuivi par des souvenirs mortifiants, privé même