Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donné toute mon attention à l’affaire de cette malheureuse matinée. Aucun motif d’ambition personnelle, rien en vérité, hormis l’accomplissement de vos plus ardents désirs, n’aurait pu me retenir à la ville jusqu’à ce jour, et puisque j’ai fait un tel sacrifice au respect filial, j’espère que vous m’excuserez si je réponds maintenant à l’appel de l’amitié et de l’humanité. Ne soyez pas inquiet sur mon compte, je saurai, je m’en flatte, me conduire avec prudence dans les cas critiques qui se pourront présenter, autrement mes études législatives ne seraient pas utiles à grand’chose. Je suis abondamment muni d’argent, et même d’armes en cas de besoin ; mais vous pouvez vous en remettre à ma circonspection pour éviter toute occasion d’en faire usage, hors le cas d’absolue nécessité. Que Dieu veille sur vous, mon cher père, et qu’il permette que vous oubliiez le premier, et je l’espère, le dernier acte ressemblant à la désobéissance, dont j’ai à présent et dont j’aurai jamais à m’accuser envers vous. Je suis, jusqu’à la mort, votre fils respectueux et affectionné,

« Alan Fairford. »

« P. S. — Je vous écrirai avec la plus grande exactitude, vous informant de toutes mes actions, et demandant toujours vos conseils. J’espère que mon absence sera courte, et je pense qu’il me sera possible de ramener Darsie avec moi. »

La lettre échappa aux mains du vieillard, lorsqu’il eut ainsi la confirmation du malheur qu’il avait tant redouté. Sa première idée fut de monter en chaise de poste, et de poursuivre le fugitif. Mais il se rappela que, dans les occasions, fort rares, il est vrai, où Alan s’était montré indocile patriœ potestati, sa douceur naturelle et la flexibilité de son caractère avaient paru se changer en obstination. Maintenant donc qu’il avait le droit, étant arrivé à l’âge de majorité, et devenu membre de la docte faculté, de diriger sa propre conduite, il était fort douteux qu’Alan voulût consentir à retourner sur ses pas. Dans la crainte de ne pouvoir réussir, M. Fairford jugea plus sage de se désister de son projet ; il pensa que son succès même, dans une pareille poursuite, donnerait un éclat ridicule à toute l’affaire, qui ne pourrait être que préjudiciable à la réputation naissante de son fils.

Les réflexions de Saunders Fairford furent pourtant amères, lorsque, ramassant la lettre fatale, il se jeta dans le fauteuil de son fils, et se mit à la commenter en phrases décousues : « Rame-