Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/192

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serait, il le sentait bien, ajournée peut-être sine die, si cette pièce tombait sous la main de son fils. L’affection mutuelle et enthousiaste qui unissait ces deux jeunes gens lui était connue ; et il en concluait que, si la position précaire de Latimer venait aux oreilles d’Alan Fairford, non-seulement son fils ne voudrait plus s’occuper de la tâche qu’il avait à remplir et à laquelle le vieillard attachait une si grande importance, mais qu’il en deviendrait même incapable.

Il résolut donc, après de mûres réflexions, et non sans un vif sentiment de regret, de ne pas communiquera son fils le fâcheux avis qu’il avait reçu, avant que la grande affaire du jour fût terminée. Ce retard, comme il cherchait à se le persuader, n’aurait pas de tristes suites pour Darsie Latimer, que sa folie avait sans doute conduit dans quelque embarras où elle rencontrerait une juste punition, dans quelque gêne accidentelle qui, au bout du compte, ne se trouverait prolongée par là que de peu d’heures. En outre, il aurait le temps de parler au shérif du comté, — peut-être à l’avocat du roi, — et de faire prendre à l’affaire une marche régulière.

Ce projet, comme nous l’avons vu, réussit en bonne partie, et ne manqua définitivement, comme il se l’avoua lui-même avec honte, que par suite de l’étourderie impardonnable à un homme d’affaires, qu’il avait commise en mêlant, dans la confusion et l’inquiétude du moment, la lettre du prévôt à des papiers relatifs à l’affaire de Pierre Peebles, et en la passant à son fils, sans s’apercevoir de sa bévue. Il ne manqua jamais de protester par la suite, même jusqu’au jour de sa mort, que jamais il ne lui était arrivé d’être assez négligent pour laisser sortir de ses mains un papier sans en connaître le contenu, que dans cette malheureuse occasion, où un pareil oubli lui semblait sans excuse.

Troublé par ces réflexions, le vieillard éprouva, pour la première fois de sa vie, une certaine répugnance à reparaître devant son fils : aussi, pour différer un peu cette entrevue, qu’il regardait comme un moment pénible, il se rendit à la demeure du shérif, mais il apprit qu’il venait de partir, en toute hâte, pour Dumfries, afin de diriger en personne l’enquête qui avait été commencée par son substitut. Le clerc de ce magistrat ne put donner aucun détail précis relativement à cette émeute. Il avait seulement entendu dire qu’elle avait été sérieuse, qu’il y avait eu violation des propriétés et voies de fait envers des individus ;